Comme chaque année, la rentrée littéraire est l’occasion de partir à la rencontre de nouvelles plumes, de nouveaux talents. Du côté des éditions Grasset, la rencontre fut faite avec Mathilde Forget. Pour son premier roman, À la demande d’un tiers, l’auteure, compositrice et interprète revisite l’histoire de Bambi. Façon psychiatrie et mort maternelle.
# La bande-annonce
« La folie n’est pas donnée à tout le monde. Pourtant j’avais essayé de toutes mes forces. »
C’est le genre de fille qui ne réussit jamais à pleurer quand on l’attend. Elle est obsédée par Bambi, ce personnage larmoyant qu’elle voudrait tant détester. Et elle éprouve une fascination immodérée pour les requins qu’elle va régulièrement observer à l’aquarium.
Mais la narratrice et la fille avec qui elle veut vieillir ont rompu. Elle a aussi dû faire interner sa sœur Suzanne en hôpital psychiatrique. Définitivement atteinte du syndrome du cœur brisé, elle se décide à en savoir plus sur sa mère, qui s’est suicidée lorsqu’elle et Suzanne étaient encore enfants.
Elle retourne sur les lieux, la plus haute tour du château touristique d’où sa mère s’est jetée. Elle interroge la famille, les psychiatres. Aucun d’eux ne porte le même diagnostic. Quant aux causes : « Ce n’est pas important de les savoir ces choses-là, vous ne pensez pas ? » Déçue, méfiante, elle finit par voler des pages du dossier médical qu’on a refusé de lui délivrer.
Peu à peu, en convoquant tour à tour Blade Runner, la Bible ou l’enfance des tueurs en série, en rassemblant des lettres écrites par sa mère et en prenant le thé avec sa grand-mère, elle réussit à reconquérir quelques souvenirs oubliés.
Mais ce ne sont que des bribes. Les traces d’une enquête où il n’y a que des indices, jamais de preuves.
La voix singulière de Mathilde Forget réussit à faire surgir le rire d’un contexte sinistre et émeut par le moyen détourné de situations cocasses. Sur un ton à la fois acide et décalé, elle déboussole, amuse et ébranle le lecteur dans un même élan.
# L’avis de Lettres it be
La quatrième de couverture est riche de promesse. On nous assure du rire, de l’acidité et de la folie, le tout noyé dans la revisite d’un conte quasi-mythique apparenté à une histoire familiale complexe et sombre. On se jette dans le premier roman de Mathilde Forget les yeux (presque) fermés, avec la ferme intention d’y trouver son bonheur de lecture.
Les chapitres sont courts, l’écriture est sans fausse note ni coup d’éclat. On lit, on lit. On lit. Polar qui ne se dit pas, réflexion sur la Mère, éloge de la folie involontaire… On a terminé. Cette mère décédée, ce saut dans la folie qui en entraîne d’autres, cette famille dont les morceaux restent à recoller, cette sœur internée. Et donc ? Dans quel livre est-on tombé ?
La vidéo du moment
C’est une nuée de regrets. Pour ainsi dire, il est difficile de faire la critique d’un premier roman ambitieux de toute évidence mais qui n’ose pas, ne tente pas, ne s’affirme jamais vraiment et reste cantonné à la lisière du tout et du rien. À la demande d’un tiers n’est pas un mauvais livre, ce serait mentir. Mais ce roman a tout de l’exercice appliqué du bon élève, sans accroc, sans dépassement, sans prise de risque. C’est plat comme un lac sans vent malgré les quelques beaux voiliers qui paradent voiles au vent. Ça ne prend pas, cette folie est bien trop mimée, trop propre pour être vraie. Bambi, les tueurs en série et Blade Runner sont relégués au rang de prétexte. Les personnages conservent tout au long du roman une regrettable distance. Qu’il est difficile de s’éprendre de sentiments et de ressentiment pour ce qui n’est que de l’encre et du papier. Et c’est parfois trop difficile. Même À la demande d’un tiers…
Écrire commentaire