Isabelle Bunisset a publié son premier roman, Vers la nuit, chez Flammarion en 2016. Un livre brillant, sur le fond comme sur la forme, où l'amoureuse de vin s'immisce dans la tête de Louis-Ferdinand Céline. Découvrez la critique Lettres it be pour ce livre !
Bonjour et merci de prendre part à cette interview pour Lettres it be. Tout d’abord, une question terriblement basique mais indispensable : qui êtes-vous Isabelle Bunisset ? Que faisiez-vous avant d’écrire votre roman ?
Qui suis-je ? Je l’ignore toujours ! Mais dans la vie civile, je suis chargée de cours, journaliste, critique littéraire. J’ai créé ma société de conseil en communication il y a un an.
Vers la nuit semble être la conséquence logique de votre travail de thèse réalisé sur « La dérision dans les premiers romans céliniens ». Comment a démarré votre « relation » avec feu le docteur de Meudon ?
Par la lecture de Mort à Crédit, j’avais 20 ans, et je n’avais jamais lu un roman aussi puissant. L’écriture, mélange de noirceur et de fougue rieuse, m’a subjuguée. J’ai alors décidé d’étudier cet humour si singulier et d’en faire le sujet de ma thèse.
Vous abordez dans votre thèse, et votre roman, un personnage majeur de la littérature du XXème siècle (si ce n’est LE personnage), un homme qui attire autant qu’il repousse de par tout ce que l’on sait. Pourquoi un tel choix ?
Les gens lisses ne m’intéressent pas. Mais, au-delà, c’est l’écrivain qui m’intéresse. La littérature ne doit pas se mêler de morale, sinon elle tombe dans l’écueil et le poncif. C’est très tendance en ce moment. C’est pour ça qu’il y a autant de navets dans notre production contemporaine.
Un premier roman et vous vous mettez dans la tête de Céline, sacré pari ! Pourquoi ce choix si osé ? Etiez-vous consciente de la prise de risque ?
J’ai commencé par écrire un essai, mais je ne touchais pas le fond sensible. Le « je » s’est imposé, presque naturellement. Depuis tant d’années, Céline me parle à l’oreille. Il fallait que je couche sur papier l’émotion qu’il m’avait donnée, il fallait que je dise cette troublante proximité avec un écrivain que j’ai fréquenté tant d’années.
J’ai véritablement été surpris par votre capacité à reprendre la verve de Céline, cette plume tantôt puante tantôt magnifique. Comment avez-vous fait pour écrire sans travestir, sans donner à votre roman l’allure de la pâle copie ?
Je n’en sais rien ; je ne voulais pas imiter mais donner une ambiance d’écriture. Je me suis éloignée délibérément de ses tics langagiers ; je voulais faire entendre une autre voix.
Que pensez-vous du rôle joué par les « pamphlets » de Céline dans le cadre de la compréhension de son œuvre ? Leur non-réédition est-elle pour vous une erreur ?
Je pense qu’une réédition, amplement annotée, serait utile. Les pamphlets sont souvent dénigrés par des personnes qui ne les ont pas lus. Et n’en déplaise à certains, il y a de magnifiques passages dans les pamphlets. C’est le pari de l’intelligence contre l’aveuglement haineux.
Est-ce que l’émergence d’un « nouveau Céline », d’un auteur ayant la même dimension littéraire est pour vous quelque chose de possible ?
Non. Mais il y aura d’autres talents, différents. On n’a pas connu deux Picasso.
Une idée pour votre prochain livre ?
Oui, elle germe lentement. Je commence à écrire. J’ai besoin de temps.
Passons maintenant à des questions un peu plus légères pour en savoir plus sur Isabelle Bunisset la femme et Isabelle Bunisset l’auteure :
- Le livre à emporter sur une île un peu déserte ?
Mort à crédit
- Le livre que vous aimez en secret ?
Aucun. J’aime partager mon enthousiasme
- Un bon vin ou un bon livre ?
Les deux absolument
- L’auteur avec qui vous voudriez discuter autour d’une bière ?
Autour d’une coupe de champagne, plutôt, malheureusement ils sont tous morts.
- L’auteur que vous n’auriez pas aimé être ?
Un de ces auteurs qui se prennent très au sérieux, qui se regardent écrire, qui se répandent en messages.
- Un livre dont vous ne comprenez pas l’impopularité ?
Il y en a tellement…
- Votre passion un peu honteuse ?
Il n’est de passion honteuse. La seule honte, ce serait de ne pas l’ assumer
- Le livre que vous auriez aimé écrire ?
L’Education sentimentale
- Le livre que vous offririez à un inconnu ?
Le bouquin des méchancetés, jubilatoire
- La première mesure de la Présidente Bunisset ?
Je n’ose vous dire, je serais déjà impopulaire.
- Ecrire : tard la nuit ou tôt le matin ?
Tôt le matin, quand tout est silence
Écrire commentaire