Les vies cachées de Gandhi est le tout dernier livre de Gilles Van Grasdorff publié aux Editions du Cerf. L’enquête fouillée d’un journaliste déjà reconnu pour ses ouvrages passés, parmi lesquels Le Dalaï-Lama : La biographie non autorisée paru en 2003 ou encore La nouvelle histoire du Tibet publié en 2004. Une fois encore, le natif de Saint-Amand en Belgique se fait dénicheur de mystères autour d’une personnalité bien connue, le Mahatma Gandhi himself.
Quatrième de couverture :
Gandhi fut assassiné le 30 janvier 1948, il y a soixante-dix ans. On croit tout connaître de lui, de ses combats, de ses convictions. Mais est-ce si sûr ?
Saviez-vous que le chantre de la chasteté connaissait par coeur le Kâmasûtra, qu'il découvrit à 13 ans avec sa femme ?
Saviez-vous que celui qui prônait un oecuménisme bienveillant se fâcha avec l'aîné de ses fils lorsque ce dernier se convertit à l'islam ?
Saviez-vous que Gandhi écrivit les plus belles pages de son oeuvre dans le Kraal, une maison bâtie par l'homme qui partageait sa vie, et qu'on appelait « le bodybuilder juif » ?
Saviez-vous que Gandhi envoya au début de la Seconde Guerre mondiale deux lettres à Hitler, commençant par « Cher ami », pour lui demander (un peu naïvement) de rappeler ses troupes, et d'opter pour « la non-coopération non violente » ?
Surtout : sur les chemins de la Grande Guerre, dans laquelle 1 700 000 Indiens ont été engagés, saviez-vous que le Mahatma Gandhi, chantre de la non-violence, soutint alors les autorités anglaises, en suggérant de mobiliser les Indiens de l'Empire britannique ?
Gilles Van Grasdorff rouvre avec intelligence ces dossiers d'une extrême sensibilité. Ce livre troublant est aussi l'occasion d'analyser l'attitude de Gandhi envers l'Allemagne nazie, et d'évoquer les raisons pour lesquelles le IIIe Reich fit de la Bhagavad-gita un de ses livres de chevet.
Des lettres envoyées par Gandhi à Hitler à l’aube de l’éclatement de la Seconde Guerre mondiale en passant par la « bromance » entretenue par le Mahatma avec Hermann Kallenbach, un riche architecte juif qui le logea pendant une longue période, Gilles Van Grasdorff passe en détails de nombreuses pages de l’histoire de Gandhi. De l’anecdote dispensable au tournant majeur de son existence, le lecteur est invité à prendre la mesure d’une existence tout entière, une existence qui reste encore aujourd’hui dans les annales de la grande Histoire.
Seulement, un minimum de curiosité pousse à voir que quelques pages de cette histoire à hauteur d’homme ont sciemment (ou pas) étaient omises par le journaliste belge. Bien que l’intention première de Gilles Van Grasdorff fut de lever une partie du voile sur l’histoire de Gandhi, force est de constater que d’autres parties auraient pu êtres mises en lumière dans cet ouvrage. A commencer par le mépris, mis en avant ces dernières années par plusieurs spécialistes, de Gandhi envers les populations noires d’Afrique du Sud. Une archive souvent évoquée à ce titre relate le discours tenu par Gandhi en 1896 alors qu’il arrive pour la première fois en Afrique du Sud et fait l’expérience d’un traitement commun envers les Indiens et les « Noirs » appliqué par les « Européens » qui selon lui: « désirent nous dégrader au niveau du Cafre grossier dont l'occupation est de chasser et dont la seule ambition est de réunir un certain nombre de têtes de bétail pour acheter une femme et passer ensuite sa vie dans l'indolence et la nudité. » Là encore, une dimension intéressante sur le chantre de la non-violence, de la foi et de la vérité mais qui manque cruellement à ces Vies cachées de Gandhi. Mais après tout, et alors que la concision n’est déjà pas de mise, difficile de tout faire figurer dans ce livre.
Journaliste français, spécialiste du Tibet dans l’Histoire jusqu’à sa situation contemporaine, Gilles Van Grasdorff propose un essai intéressant par bien des aspects mais dont l’intérêt s’enfoui peut-être un peu trop vite derrière des choix narratifs compliqués à tenir. Au-delà des manquements évoqués précédemment et malgré la quatrième de couverture un brin putassière qui promet des révélations fracassantes sur le chantre de la non-violence, c’est véritablement le style utilisé qui sème le doute dans l’esprit du lecteur quant à savoir s’il s’agit bel et bien d’un essai on ne peut plus sérieux ou d’un roman aux douces allures de vérité. Même si le travail en profondeur de son auteur n’est assurément pas à mettre en cause, difficile de s’avouer pleinement convaincu par ses différents choix, alors qu’il y avait véritablement matière à faire sur un personnage de l’Histoire rarement abordé par ses aspects méconnus.
Écrire commentaire