Une voiture qui manque le virage d’une route sinueuse, emporte dans sa chute la barrière de sécurité, saisissant le spectateur dans un premier tournant vertigineux : c’est ainsi que s’ouvre Un jour si blanc, deuxième long-métrage d’Hlynur Pálmason, jeune cinéaste islandais déjà à l’origine du remarqué Winter Brothers.
# La quatrième de couverture
Dans une petite ville perdue d’Islande, un commissaire de police en congé soupçonne un homme du coin d’avoir eu une aventure avec sa femme récemment décédée dans un accident de voiture. Sa recherche de la vérité tourne à l’obsession. Celle-ci s’intensifie et le mène inévitablement à se mettre en danger, lui et ses proches. Une histoire de deuil, de vengeance et d’amour inconditionnel.
# L’avis de Lettres it be
Comme dans le premier film du réalisateur, tout s’articule autour d’un drame originel : ici la mort, accidentelle donc, de l’épouse d’Ingimundur, commissaire de police et protagoniste central de l’intrigue, le précipite dans un abîme de violence. Dès lors, le spectateur ne le sait pas encore, mais il se trouve déjà lui aussi dans la chûte, accompagnant le personnage aux tréfonds de son indépassable solitude.
De deuil, il n’est presque pas question dans ce film : un peu à la manière de George Clooney dans The Descendants, le commissaire opte plutôt pour la fuite en avant. Mais une tension est palpable, s’insinuant progressivement dans chacune de ses relations, avec son psychologue comme avec sa petite-fille, avec son beau-fils comme avec ses collègues du commissariat. Puis vient le temps des soupçons, nœud essentiel de l’intrigue : Ingimindur invente la jalousie post-mortem, remontant les traces de ce qu’il suppose être l’adultère de sa femme. À raison : il coince l’homme suspecté et, dans un interrogatoire à l’ambiguïté phénoménale, obtient de lui les plus infimes détails de l’aventure cachée. Sans que cette recherche n’ait apaisé quoi que ce soit, arrive le déchaînement final de violence : Ingimundur, littéralement hors de lui, explosant contre son psychologue, ses collègues, sa petite-fille, se laisse posséder par ses pulsions, par tous ses non-dits, toutes ses attentes déçues, toutes ses propres incompréhensions.
Une violence d’autant plus destructrice et inarrêtable qu’elle était jusque-là contenue, tapie dans le calme apparent de l’île islandaise, cachée derrière les épaules larges d’Ingimundur et retenue par sa sagesse manifeste. L’étau saute, le rocher dégringole sans fin : la performance magistrale d’Ingvar Eggert Sigurðsson nous mêle avec secousse à cet enchaînement sordide, nous ramenant à une question dérangeante mais fort simple : ne sommes-nous pas quelque part tous des Ingimundur en cage ?
Une esthétique épurée et minutieuse, pour un propos simple et précis : nos morts ne reviendront pas. Quelles que soient les zones d’ombres qu’il nous est permis d’explorer en leur absence, nous ne pourrons jamais retrouver ce que nous offrait leur présence. Plutôt lent d'apparence, le film fait mouche dans son dénouement, invitant à une relecture rétrospective d’une histoire qui nous concerne quelque part tous. Le jeu des acteurs est remarquable, notamment celui d’Ingvar Eggert Sigurõsson et celui de la petite-fille, qui nous saisit dans des émotions inattendues. Une belle surprise en somme, un film d’auteur aux moyens minimalistes mais au propos vaste.
Signé : Antonin El Juniorito
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