Récit sobre et tragique, Le Cri, sorti en 1957, est le grand film politique du révolutionnaire et réalisateur italien Michelangelo Antonioni. Lettres it be revient sur ce morceau de cinéma encore aujourd'hui adulé par les passionnés.
# La quatrième de couverture
Aldo, simple ouvrier, vit en couple avec Irma dont le mari travaille en Australie. À la mort de ce dernier, Irma lui annonce qu'elle renonce au mariage et le quitte. Elle aime ailleurs. Aldo quitte alors son travail et la ville de son malheur pour sillonner les routes d'Italie. Il emmène sa fille, Rosina, dans cette errance qui le conduit, de femme en femme, vers le désespoir absolu. Au terme de sa longue route, il retourne dans son village et tente de revoir Irma..
# L’avis de Lettres it be
À travers une mise en scène minimaliste, Antonioni développe dans Le Cri trois thèmes fondamentaux du cinéma italien d’après-guerre : la solitude, l’errance et la misère. Aldo traîne avec peine sa carcasse dans les grandes plaines italienne, réduit à sa pauvre condition sociale, à sa mélancolie insurmontable dans un rude hiver. Chacune de ses rencontres appelle un « après », voué à n’être qu’un retour au point de départ, celui de sa ville d’origine et de son amour impossible.
Là où Antonioni fait mouche, c’est dans le tissage de ces trois thèmes : est-ce parce qu’Aldo est misérable qu’il est malheureux ou bien est-il misérable car malheureux ? En d’autres termes, quel lien établir entre la condition sociale d’un homme modeste dans l’Italie des années 50 où tout est à reconstruire, et ses évolutions, ses déceptions les plus intimes (et donc les plus douloureuses) ?
Autre grande réussite de ce film, l’esthétique épurée, qui peint un interminable hiver gris, traversant comme une lame ces grandes plaines ravagées, où les êtres n’oscillent qu’entre la tristesse et le désespoir. Anti-road movie, Le Cri est une odyssée qui se finit mal, pour renforcer la beauté de son propos. Antonioni ne cherche pas à nous rassurer, mais à nous montrer la nudité de notre condition. Un monde qui voudrait que l’ailleurs et l’évasion constituent des valeurs cardinales vers une vie meilleure, n’est peut-être qu’une illusion. En articulant la tragédie universelle d’un homme insignifiant aux yeux de tous à une période bien précise de l’histoire, où le chaos règne par et pour tous, il signe un film philosophique et politique majeur.
Signé : Antonin El Juniorito
Une esthétique épurée et minutieuse, pour un propos simple et précis : nos morts ne reviendront pas. Quelles que soient les zones d’ombres qu’il nous est permis d’explorer en leur absence, nous ne pourrons jamais retrouver ce que nous offrait leur présence. Plutôt lent d'apparence, le film fait mouche dans son dénouement, invitant à une relecture rétrospective d’une histoire qui nous concerne quelque part tous. Le jeu des acteurs est remarquable, notamment celui d’Ingvar Eggert Sigurõsson et celui de la petite-fille, qui nous saisit dans des émotions inattendues. Une belle surprise en somme, un film d’auteur aux moyens minimalistes mais au propos vaste.
Signé : Antonin El Juniorito
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