Asia Argento revient sur les devants de la scène. Après avoir été l’une des premières à dénoncer les agissements de Harvey Weinstein, après avoir donné ses lettres de noblesse médiatique au mouvement #MeToo, la voilà qui signe une tribune dans Cours petite fille !, un projet collectif à paraître le 31 janvier aux éditions des Femmes. Mais tout a bien changé…
C’est assurément l’une des parutions les plus attendues en cette fin du mois de janvier 2019. Un ouvrage collectif, signé par une trentaine d’auteurs d’horizons différents (dont 3 hommes), intitulé Cours petite fille !. Un ouvrage qui vient s’inscrire au catalogue des éditions des Femmes, cette maison créée en 1972 par Antoinette Fouque. L’objectif de ces textes aux allures de manifestes est assurément de proposer une traduction, une interprétation, une analyse en profondeur de ce mouvement #MeToo, perçu comme le signe annonciateur de la libération tant attendue de la parole des Femmes. Sous l’égide de Samuel Lequette et Delphine Le Vergos, il sera donc possible de retrouver les textes, entre autres intervenants et sous des formes bien différentes, de Michelle Perrot, Eva Illouz, Janine Mossuz-Lavau, Wendy Delorme, ou encore l'avocate américaine Catharine MacKinnon. Mais le texte le plus attendu, et dont (presque) tout le monde parle déjà, n’est autre que celui d’Asia Argento, papesse du mouvement féminisme contemporain et de son expansion tentaculaire sur les réseaux sociaux. A ceci près que la cordonnière en chef n’est visiblement pas la mieux chaussée…
La vidéo du moment
Pourquoi le Goncourt 2018 est un MAUVAIS livre ?
Chantre, à juste titre, de la dénonciation des violences faites aux femmes, apôtre de l’accusation faite au règne phallique et à la domination masculine, Asia Argento ne mentionne curieusement pas le nom de Jimmy Bennett dans sa tribune. En 2013, ce jeune acteur prometteur ayant déjà tourné au côté de Bruce Willis et consorts est abusé sexuellement par Asia Argento alors qu’il n’a que 17 ans. Les faits se déroulent dans un hôtel californien, un état où l’âge du consentement sexuel est de 18 ans. Alcool, abus divers… Le témoignage de Jimmy Bennett est saisissant. Mais le pire est à venir : en vue d’acheter le silence du jeune homme, Asia Argento lui propose la somme de 380 000 dollars. Pourtant, leur relation s’inscrit sur la durée : l’année de ses 7 ans, le jeune Jimmy Bennett rencontre Asia Argento et est même amené à tourner dans le Livre de Jérémie qu’elle réalise en 2004. Toujours est-il qu’au sujet de cette affaire, Asia Argento a d’abord nié, prétextant le versement de cette somme pour aider Jimmy Bennett face à ses difficultés financières, avant de reconnaître une « relation physique » suite à la diffusion d’une photographie prise dans la chambre d’hôtel le jour de l’agression. Relation physique qu’elle place sous la justification… d’un viol qu’elle aurait subi de la part de Bennett ! Pirouette surprenante qui vient porter le doute sur l’accusation de viol elle-même qui, malheureusement trop souvent, émane de personnes sincères et sans recherche d’aucun autre intérêt que celui de rétablir la justice. Mais là…
Une fois encore, une affaire délicate, parole contre parole, et où les tribunaux sociaux et connectés ont pris de vitesse la véritable justice. Une fois n’est pas coutume. Mais là où le bât blesse, c’est véritablement lorsque, dans le cadre de la sortie de l’ouvrage évoqué précédemment, Asia Argento remet le couvert en se qualifiant de « survivante », d’« agneau d’abattoir » etc. Dans cette tribune, avant-propos du livre, écrite avant l’éclatement de l’affaire Bennett, Asia Argento continue de s’ériger en porte-parole contre le diktat du désir masculin, seul responsable des violences sexuelles à travers le globe (et les siècles ?). Une porte-parole qui aujourd’hui vacille, tangue face à des accusations qui la mettent du mauvais côté du ring. Mais qu’importe, comme l’explique si bien Anne-Cécile Robert dans La stratégie de l’émotion, Asia Argento est désormais du côté des victimes. Ces mêmes victimes, trop médiatiques, et dont la parole est désormais gravée dans le marbre de l’inaliénable et de la Vérité Absolue. Qu’importe qu’Asia Argento soit sous le coup d’une accusation de viol sur mineur sexuel. Qu’importe qu’Asia Argento soit désormais l’exact reflet de ce qu’elle dénonce depuis des mois, brandissant à qui veut l’entendre cette vieille chose qu’est la présomption d’innocence et qu’elle ôtait allègrement des mains de ces « porcs » il y a quelques mois. Qu’importe que cette même présomption soit désormais ce qui lui laisse tout le champ libre aujourd’hui pour s’exprimer et continuer à abhorrer ce « phallus » dictatorial et omniprésent. Qu’importe le flacon pourvu qu’on ait l’ivresse.
Avec ses mensonges solubles dans l’engagement et les convictions, Asia Argento vient ternir le tableau d’un ouvrage assurément à découvrir. Parce que oui la question de la Femme dans toutes nos sociétés doit être mise au centre de la table et largement débattue en vue d’améliorations futures urgentes. Parce que oui aujourd’hui les violences sexuelles persistent dans des proportions inacceptables. Mais parce que oui aussi ces violences ne sont pas le fait que d’un seul sexe qui serait naturellement prédestiné. Et parce que oui tout le monde a le droit à une Justice rendue dans les endroits dédiés sans être donnée à la hâte d’après le code si vil du plus grand nombre et des convictions éoliennes. Asia Argento aide-t-elle la cause des Femmes autant qu’elle contribue à la décrédibiliser ?
Écrire commentaire