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La langue de Trump de Bérengère Viennot : de quoi aimer encore plus Donald Trump…

La langue de Trump est le nouvel essai de Bérengère Viennot publié chez Les Arènes
La langue de Trump est le nouvel essai de Bérengère Viennot publié chez Les Arènes

Et encore un livre sur Donald Trump, un ! Cette fois, Bérengère Viennot propose avec La langue de Trump une analyse sur le « parler Trump », aussi bien sur Twitter au rythme effréné que l’on connaît ou dans des discours disséqués maintes fois par l’auteure. Il en ressort quoi ? On vous dit tout dans cette nouvelle critique Lettres it be !

 

 

 

Quatrième de couverture :

 

Traductrice de presse, Bérengère Viennot s’est trouvée confrontée à un défi inédit après l’élection de Donald Trump.

Le président américain a fait exploser les codes de la parole politique. Sa langue est vulgaire et confuse, truffée de fautes de syntaxe et de phrases sans queue ni tête, de sarcasmes et d’invectives – signes d’un rapport dévoyé à la réalité et à la culture.

D’une plume aussi désopilante qu’incisive, l’auteure raconte son casse-tête de traductrice et s’interroge. Comment glisse-t-on de la violence des mots à la violence politique ? En quoi est-ce là un symptôme de l’état de la démocratie ? Pourquoi sommes-nous tous concernés ?

La langue de Trump est un miroir implacable : du président lui-même, de l’Amérique et de notre époque.


# L’avis de Lettres it be

 

 

Autant aller dans le vif du sujet tout de suite : La langue de Trump est un essai raté. De considérations hâtives en explications tronquées, Bérengère Viennot accumule les propos faciles sur Donald Trump avec pour seul objectif que d’écorner encore un peu l’image du président américain. Non pas que cela ne soit pas nécessaire, loin de là, simplement que la fin ne justifie pas tous les moyens…

 

 

D’emblée, page 46, l’auteure nous offre une considération sur le « politiquement correct » qui donne le ton de l’ouvrage à suivre : « Si le politiquement correct consiste à ne pas dire ouvertement tout ce qu’on pense, alors c’est tout simplement la version politique de la courtoisie et du respect des codes sociaux qui régissent les groupes humains. » Molière et son Misanthrope peuvent aller se rhabiller, de toute évidence. Aux oubliettes la définition du mot « courtoisie » que l’on peut retrouver dans un vieux livre poussiéreux, le dictionnaire. Pour les plus originaux, je la joins tout de même ici :

 

-        - Attitude de politesse raffinée, mêlée d'élégance et de générosité ; civilité.

 

-        - Notion clé de la civilisation médiévale élaborée dans les cours seigneuriales et fondée sur une théorie et une pratique raffinées des rapports homme-femme.

 

Vous avez dit « rien à voir » ? Et le pire est avenir…


Bérengère Viennot
Bérengère Viennot

La liste est longue comme le bras, et suffit à comprendre la portée du travail de Bérengère Viennot. L’auteure met ses nombreux talents à contribution d’un objectif qui mène obligatoirement à la déception et à la facilité intellectuelle, nous y reviendrons plus tard. Son travail de traductrice aurait assurément pu nous permettre une immersion bien plus en profondeur sur le « parler Trump », sans considération facile et médiatiquement aisée. Au lieu de cela, nous n’avons droit qu’à une resucée de tout ce qui est entendu et rabâché depuis des mois, voire des années. Dommage.

 

 

Et Bérengère Viennot de légitimer tous les usages qui pourraient allègrement nuire à Donald Trump, comme on peut le lire, entre autres passages, page 97 : « Qu’il soit possible, souhaitable, déontologique ou pas, de débattre de l’état du cerveau du président américain, finalement, ce n’est pas le plus important. » La logique de cet ouvrage, et de bon nombre des détracteurs de Trump, est entièrement résumée ici : parce que l’homme d’affaires à la tignasse orangée représente tout ce que cette frange intellectuelle et politique déteste, le jeu en vaut la chandelle et tous les moyens sont bons pour lui nuire. Y compris empiéter sur les plates-bandes de la déontologie et des usages inscrits dans le marbre. Comprenez bien : on reproche à Donald Trump de franchir certaines lignes rouges, alors on s’octroie le droit en retour d’en faire de même. Escalade dans les bas-fonds.

 

 

Comprenez bien le propos de cette critique : la défense de Donald Trump n’est absolument pas prise ici. Critiquer Donald Trump semble plus que jamais nécessaire, ne serait-ce qu’à voir ses outrages, ses excès, ses erreurs etc. Mais à une critique entendue et de surface doit succéder une véritable critique, dans le fond des choses, sans le toucher en permanence comme jusqu’à présent. Bérengère Viennot hurle avec les loups dans La langue de Trump en empilant les arguments convenus, à la limite de l’intelligible, et en usant et abusant de cette « psychologie de comptoir » affectionnée de longue date au sujet de Trump. Mais le pire sur tout ce travail d’intellectualisme politique à pas cher, c’est bien cette logique permanente du « On ne peut pas dire ça au sujet de Trump, mais… ». De nombreux exemples sont donnés, parmi lesquels page 71, l’auteure nous rassure comme si cela était nécessaire « Trump n’est pas Hitler, Melania n’est pas Eva, les situations ne sont pas comparables. ». Ouf ! Vous pensiez avoir enfin trouvé un peu de mesure dans cet ouvrage ? Détrompez-vous ! Page 72 : « En outre, devant la montée des partis populistes dans le monde occidental, devant la libération et, partant, la banalisation de la parole médiatique et politique raciste, nier les similitudes entre le climat de haine des années 1930 et celui qui est en train de se développer aujourd’hui dans le monde relève de l’aveuglement. » Parce que Bérengère Viennot l’a vu, le voit, mieux que quiconque. Après cela, l’auteure mobilise pour justifier sa prédiction digne des plus grands cartomanciens de ce monde les travaux de Victor Klemperer ou encore Olivier Mannoni. Là encore, les pirouettes s’enchaînent à un rythme qui ferait pâlir Philippe Candeloro dans ses plus grandes heures : Klemperer disait des nazis qu’ils usaient de tel et tel procédé linguistique (la répétition constante de faits positifs méritoires en l’occurrence), Donald Trump fait pareil, donc Donald Trump est un nazi. CQFD.
Tout ce gloubi-boulga pour finir sur cette fin de paragraphe, une fois encore, caractérisée par toute sa mesure : « Si théoriquement, l’Amérique n’est pas une dictature, ça sent quand même un peu le soufre. » On vous aura prévenu.

 

 

Autre passage de ce type, mettant en lumière la « méthode Viennot » du « un peu de mesure mais pas trop ». Page 52 et 53, on trouve « Je ne crois pas que l’on puisse affirmer avec certitude que Trump soit un menteur, car il exprime sans doute une forme de sincérité. A ce niveau de mythomanie, cela ressemble davantage à une forme de déni de réalité […] ». Donc l’auteure dégonfle un peu le débat et confirme qu’il reste difficile de dire que Trump soit assurément un menteur. Bon point. Sauf que, définition de la mythomanie, toujours d’après le Larousse : « Tendance systématique, plus ou moins volontaire, à la fabulation et au mensonge. » Donc Trump n’est pas un menteur, mais je le juge mythomane. Le mythomane ment pathologiquement, donc Trump est un menteur. En passant, on attend les diplômes attestant des qualités de l’auteure pour de telles considérations pathologiques…

 

 

Depuis le 8 novembre 2016, le monde intellectuel occidental bouillonne, fulmine, enfle contre cet homme, plein aux as, starlette de télé-réalité ayant réalisé l’impossible : devenir président des Etats-Unis. Donald Trump est la cible, l’homme à (a)battre. Et parce que nombre de critiques sont nécessaires et fondées, il est regrettable de trouver encore aujourd’hui des ouvrages de la trempe de celui de Bérengère Viennot. Ces ouvrages qui mélangent propos de comptoir (quoi que n’est-ce pas faire grief aux piliers des vrais comptoirs ?) et réflexions intellectualistes discount, ces ouvrages alarmistes et prédictifs façon horoscope d’un journal de plage… La langue de Trump manque la véritable cible, ou plutôt touche celle visée : une énième critique d’un homme politique assurément discutable mais qui reflète des aspirations d’un peuple que n’a plus voulu écouter toute une frange de l’échiquier depuis bien des années. Ou comment éviter le retour du bâton en gardant, toujours, le beau rôle.

 

 

Finalement, Bérengère Viennot semble ne pas se cacher derrière ce livre. En guise de conclusion, et peut-être de clé de compréhension de La langue de Trump, on trouve page 90 : « […] il faut reconnaître que la manipulation par les mots est efficace, que le matraquage des mêmes accusations contre les mêmes personnes finit par laisser une trace dans l’esprit du public. » Honnête.

 

 

 

BONUS : Difficile de ne pas résister à vous montrer les petits bouts de phrase, insignifiants, glissés çà et là par Bérengère Viennot, venant renforcer la profondeur de l’ouvrage, ou pas. Page 68, dans une analogie entre Le Dictateur de Chaplin et notre homme : « Certes Trump, malgré tout son racisme et sa xénophobie, n’a pas (que l’on sache) de visées génocidaires. » Comme ça, tout en finesse, l’auteure instille l’idée de potentielles idées génocidaires chez Donald Trump. Grave ?

 





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