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Top Chef, cette émission sexiste et réactionnaire ?

Dans son numéro 16 d’avril 2019, Le Nouveau Magazine littéraire remet le couvert avec au menu des tribunes politiques engagées, des tribunes sociales engagées et (de temps à autre) de la littérature. Au milieu de tout ce programme, Hervé Aubron, critique de cinéma et rédacteur en chef adjoint du magazine, nous propose une analyse de l’émission Top Chef. Si, si…

 

 

« Partout en France, les figures de l'autorité et du chef sont rejetées. Sauf dans le concours culinaire de M6 […] »

 

 

Il suffit d’une introduction pour prendre la mesure de cet article (Lien : https://www.nouveau-magazine-litteraire.com/reconnaissancesdu-ventre). Mais nous y reviendrons rapidement, tant cet article est croquant… et désolant. D’abord, quelques éléments de contexte sont importants pour comprendre la visée du Nouveau Magazine littéraire.

 

 

 

Après un jeu de chaises musicales ces derniers mois entre Raphaël Glucksmann et Nicolas Domenach pour savoir qui dirigerait éditorialement et idéologiquement ce magazine, voilà que ce dernier s’est imposé dans les kiosques, petit à petit, à grand renfort de couvertures qui n’avaient de littéraire que le titre. La promesse était séduisante pourtant, celle de redonner de l’allant à une référence en kiosque pour les amoureux de Littérature. Mai 68, #MeToo et Antigone, « Les menteurs » populistes… La littérature a très vite semblé n’être qu’un argument secondaire, comme cet acteur légendaire cantonné à un discret second rôle. Mais le ton était donné avec une certaine franchise qu’il faut tout de même souligner : contre la « régression », pour le « progressisme », il fallait un nouveau magazine pour donner la parole à celles et ceux qui luttent contre la marche arrière et cette atroce odeur passéiste. Les porte-voix de la sorte n’étaient pas assez nombreux (ah bon ?), et la littérature offrait un bel argument de vente.  Ainsi, Le Nouveau Magazine littéraire se répand sur les terres fécondes de l’idéologie progressiste. Il n’est pas question de discuter cette idéologie ici : il est surtout question d’émettre tous les regrets de la Terre pour cette littérature « argument de vente ».

La vidéo du moment

 

Vous avez le décor en tête ? On peut revenir à notre analyse pointue et frétillante de l’émission de télévision Top Chef.

 

Quand tout est poussiéreux, plus rien ne l’est

 

Et donc, cette analyse de Top Chef que l’on retrouve dans Le Nouveau Magazine littéraire.

 

 

Hervé Aubron s’insurge, doucement mais sûrement. Ces buffets bien garnis comme symbole de l’opulence, ce respect des chefs qui dirigent leur brigade d’une main de fer : « On pourrait n'y voir que nostalgie, passéisme, au risque des passions tristes ou rancies […] ». L’auteur préfère la supposition. Une sagesse dans la réflexion ? Seulement courte durée.

 

Hervé Aubron
Hervé Aubron

« La franchouillardise nostalgique a sans doute une part dans le succès durable de « Top Chef ». L'émission perpétue une phallocratie aux petits oignons - sous-représentation des candidates, éternelle catégorie du plat « féminin » (entendez délicat, mignon, joli), que les commentaires opposent à la recette « gourmande » (entendez : pour hommes, sans chichis). » #MeToo et citron yuzu, même combat ?

 

« Les épreuves se cantonnent trop, enfin, aux classiques - produits et plats - de la gastronomie française. Il faudrait sans doute plus d'épreuves invitant à « revisiter » (autre terme consacré par l'émission) couscous, pizzas, kebabs, sushis, falafels, poulet yassa, tacos, que sais-je encore. » 4ème épisode de la saison 2019, à cuisiner : un tiramisu en présence d’Annie Féolde, cheffe trois étoiles, grande prêtresse de la gastronomie italienne. 6ème épisode, l’épreuve de la « Dernière chance » où un candidat peut éviter l’élimination est faite autour de l’avocat, un fruit qui nous vient du Mexique. 9ème épisode, le thème de la dernière chance est la carotte, un légume domestiqué pour la première fois au Xème siècle dans un territoire qui deviendra plus tard l’Iran.

 

 

De toute évidence, l’auteur de ce papier n’a regardé que partiellement l’émission et n’a retiré que ce qui pourrait donner de l’eau à son moulin idéologique. Aux considérations évoquées précédemment suivront d’autres considérations, plutôt bavardes, sur le rapport « culture – Top Chef – Art ». En somme, le jugement est hâtif, les accusations nombreuses et les fondements rares. Mais qu’importe la vérité pourvu qu’on ait l’ivresse. Et bien sûr : qu’il est de bon ton de taper sur une émission regardée par « quelque trois millions » de téléspectateurs qui, sans même le savoir, participent à ce grand mouvement de régression, sexiste et nationaliste qu’est cette grand-messe de la cuisine télévisée. Quand le freudisme s’invite dans le monde des idées : « Dis-moi ce que tu regardes à la télé, je te dirai qui tu es ». Quand tout est poussière et colère, plus rien ne l’est.

 

 

 

Il n’y a que peu de hasard finalement dans tout ça. Dans Le Nouveau Magazine littéraire, seul l’aspect littéraire n’a pas le droit à une majuscule. Il faut bien faire « barrage » à la « lèpre populiste » et réactionnaire. Il faut bien ouvrir la voie déjà bien tracée d’une pensée progressiste qui ne progresse bientôt plus que dans ses contradictions et ses radotages convenus. Il faut bien répandreEt cela vaut bien l’éclipse de la Littérature.

 







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