Femme rabbin, directrice de la rédaction de la Revue de pensée(s) juive(s) Tenou'a, Delphine Horvilleur est aussi une auteure reconnue. Après Des mille et une façons d’être juif ou musulman paru en 2017 au Seuil et écrit à quatre mains avec Rachid Benzine, Delphine Horvilleur revient avec Réflexions sur la question antisémite (Grasset).
# La quatrième de couverture
Sartre avait montré dans Réflexions sur la question juive comment le juif est défini en creux par le regard de l’antisémite. Delphine Horvilleur choisit ici de retourner la focale en explorant l’antisémitisme tel qu’il est perçu par les textes sacrés, la tradition rabbinique et les légendes juives.
Dans tout ce corpus dont elle fait l’exégèse, elle analyse la conscience particulière qu’ont les juifs de ce qui habite la psyché antisémite à travers le temps, et de ce dont elle « charge » le juif, l’accusant tour à tour d’empêcher le monde de faire « tout » ; de confisquer quelque chose au groupe, à la nation ou à l’individu (procès de l’« élection ») ; d’incarner la faille identitaire ; de manquer de virilité et d’incarner le féminin, le manque, le « trou », la béance qui menace l’intégrité de la communauté.
Cette littérature rabbinique que l’auteur décortique ici est d’autant plus pertinente dans notre période de repli identitaire que les motifs récurrents de l’antisémitisme sont revitalisés dans les discours de l’extrême droite et de l’extrême gauche (notamment l’argument de l’« exception juive » et l’obsession du complot juif).
Mais elle offre aussi et surtout des outils de résilience pour échapper à la tentation victimaire : la tradition rabbinique ne se soucie pas tant de venir à bout de la haine des juifs (peine perdue…) que de donner des armes pour s’en prémunir.
Elle apporte ainsi, à qui sait la lire, une voie de sortie à la compétition victimaire qui caractérise nos temps de haine et de rejet.
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# L’avis de Lettres it be
D’emblée, le pari est osé. En prenant le contre-pied de Réflexions sur la question juive de Jean-Paul Sartre paru en 1946, Delphine Horvilleur se pose dans une forme de continuité, souhaitant saisir à bras-le-corps le problème de l’antisémitisme, ses formes multiples, passées et contemporaines. Fléau aux relents contemporains démultipliés, embranchement supplémentaire de la figure du racisme dans nos sociétés modernes… Toutes ces questions se posent avant de démarrer la lecture de cet essai salué par la critique. Et Delphine Horvilleur d’y répondre, une par une, mobilisant tour à tour lecture poussée des textes religieux et application des réflexions aux modèles d’aujourd’hui.
Replongeant aux origines des mythes fondateurs antisémites (le Juif et sa virilité défaillante, le Juif accusé comme celui qui a et/ou qui n’a pas, le peuple « élu », etc.), Delphine Horvilleur invite à entrer en terres antisémites. Une visite qui se fait prudemment, bien éclairée par une guide précise et lucide sur chaque élément évoqué au fil des pages. Ne se contentant pas de démonter les formes diverses de l’antisémitisme, Delphine Horvilleur donne à réfléchir sur ce qui les rend possibles et accessibles, voire cohérents. Pour mieux asséner l’ultime coup.
Enfin, une respiration. Avec Réflexions sur la question antisémite, Delphine Horvilleur offre à tous ses lecteurs, croyants ou non, une vraie respiration intellectuelle. Faisant le pas de côté nécessaire, sans pour autant fuir le lourd contexte qui jouxte la question de l’antisémitisme, la native de Nancy donne à penser. Penser le Juif, penser la judéité, penser l’antisémitisme. Dans tout cela, nous ne pourrons distinguer que des portes ouvertes, jamais des sens uniques dans lesquels penser. Au-delà de l’important travail de fond, c’est peut-être sur ce point que Réflexions sur la question antisémite est une réussite : il donne à penser sur des chemins différents, ouverts à chacun pour réfléchir à sens multiples. Si rare pour être applaudi.
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