C’était un texte attendu du côté des Éditions de l’Observatoire. Indignation totale. Ce que notre addiction au scandale dit de nous, c’est le titre de ce nouvel essai signé Laurent de Sutter. Le philosophe belge revient avec un texte fort autour de la question de l’indignation. Une réussite ?
# La quatrième de couverture
Et s’il était temps de cesser de vouloir avoir raison et d’apprendre à avoir tort ?
Notre époque est celle du scandale généralisé. Du matin au soir, du bureau au bistrot et des vacances aux dîners de famille, il n’est de circonstance qui ne nous fournisse pas l’occasion de nous indigner. Tantôt le scandale est politique, tantôt il est économique ; tantôt il est moral, tantôt il est religieux ; tantôt écologique, tantôt esthétique. Tous les domaines de la vie semblent désormais être affectés par des imperfections, des bêtises, des horreurs suscitant notre rage plus ou moins vertueuse.
Que signifie un tel réflexe d’indignation ? Que dit-il de nous – et, surtout, de la manière dont nous pensons ? Pour le philosophe Laurent de Sutter, ce que l’indignation incarne n’est peut-être rien d’autre que l’impasse de ce qui pourtant la nourrit : notre obsession pour la raison. L’âge du scandale est l’âge du triomphe de la raison. Si l’on veut en finir avec le premier, il faut donc se demander comment on peut parvenir à se débarrasser de la seconde !
# L’avis de Lettres it be
C’était une découverte. Dernier ouvrage en date signé Laurent de Sutter, Indignation totale. Ce que notre addiction au scandale dit de nous vient s’ajouter à une longue bibliographie débutée en 2007 avec Pornostars : Fragments d’une métaphysique du X. Depuis bientôt 15 ans, Laurent de Sutter accumule les écrits en parallèle de son activité de professeur de théorie du droit à la Vrije Universiteit de Bruxelles. Avec son dernier livre, le philosophe sonde la question de l’indignation à travers ses représentations les plus modernes.
Dans un ouvrage où sont mobilisés de très nombreux auteurs, notamment le philosophe marxiste Slavoj Žižek originaire de Slovénie, Laurent de Sutter pose très vite les bases de son travail. Notre époque est envahie par l’indignation, chacun d’entre nous goûte à cette indignation tantôt sélection tantôt nécessaire, qu’est-ce que cela peut dire de nous et de notre temps ? Ainsi, les premières dizaines de pages sont (déjà) rudes mais évocatrices, cohérentes comme fondation du reste à suivre. Et c’est peu après que le bât blesse…
Petit à petit, Indignation totale. Ce que notre addiction au scandale dit de nous se complique. Soit les réflexions étaient trop hautes, soit Laurent de Sutter semble se perdre dans une volonté d’impressionner le chaland avec des phrases alambiquées et des réflexions qui ne le sont pas moins. Au milieu de ce sac de nœuds qui prend forme, on goûte tout de même à des réflexions hasardeuses sur la liberté d’expression, notamment lorsqu’il s’agit de parler caricatures et religions. Jugez plutôt : « L’article du Jyllands-Posten et les dessins qui l’accompagnaient avaient créé une situation intolérable : ou bien les musulmans ne réagissaient pas et donc s’abjuraient comme croyants considérant que les traits de leur prophète relèvent de l’irreprésentable ; ou bien ils réagissaient et couraient le risque de passer pour des hystériques extrémistes. Dans les deux cas, ils perdaient – ce qui était bien entendu l’intention principale de la publication, même s’il était impossible qu’elle l’admît de façon explicite ; bien qu’aucune règle de la déontologie journalistique ou de la rationalité du débat démocratique n’avait été enfreinte par la rédaction du journal, personne n’était dupe. » Ambiance…
Malgré un point de départ solide et une volonté d’exigence louable à l’heure où la complexité semble faire défaut, Laurent de Sutter se perd avec Indignation totale. Ce que notre addiction au scandale dit de nous. Derrière une pensée (volontairement ?) alambiquée se cachent des intentions surprenantes, des messages à faire passer qui interrogent. Une déception. Pire, une indignation ?
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Whirlwind (mardi, 26 mai 2020 18:55)
Ce livre, maillon d'une chaîne sans fin, celle des intellectuels autoproclamés à la recherche de la consécration publique qu'ils pensent mériter. Beaucoup de mots, peu d'idées. Encore moins de structure. Laurent Desutter n'est que le représentant parmi d'autres, hélas, d'une armée de besogneux en mal d'égo. Et ils pillent littéralement la philosophie.