La couverture ne peut laisser indifférent : ce Voltaire rêveur sur fond rouge, amouraché, lourdement accoudé alors que deux porteurs s’affairent à le promener … Une chose est bien sûre : Clément Oubrerie revient en solo dans les librairies avec la première partie de ce Voltaire amoureux publié chez Les Arènes, après avoir, entre bien d’autres choses, coécrit la série à succès traduite en plus de 25 langues, Aya de Yopougon en compagnie de Marguerite Abouet. Une simple bande-dessinée, un ouvrage historique, un roman tiré de l’existence de François-Marie Arouet … Le nouvel ouvrage de Clément Oubrerie interroge d’emblée sur la forme. Et si c’était tout cela à la fois ? Lettres it be vous en dit un peu plus.
# La bande-annonce
Le plus sentimental des philosophes des Lumières
Voltaire n’a pas toujours été Voltaire. Né Arouet, dans un milieu bourgeois, il entend se faire une place dans la société aristocratique de la Régence. À vingt-quatre ans, il n’a qu’un but : surpasser Homère et Racine réunis. Et son cœur est en effet celui d’un poète. Bien que d’un tempérament « peu voluptueux », il cherche l’amour sans relâche, papillonnant de marquises en jeunes actrices prometteuses… et surtout de déconvenue en déconvenue.
# L’avis de Lettres it be
A l’image d’Ugo Bienvenu dont le dernier ouvrage Paiement accepté était chroniqué il y a peu sur Lettres it be, Clément Oubrerie est un véritable touche-à-tout. On le connaît évidemment auteur de BD et d’albums jeunesse, mais on peut aussi le rencontrer du côté de l’animation avec la série Moot-moot créée avec le duo Eric et Ramzy et avec l’adaptation en long-métrage, toujours en compagnie de Marguerite Abouet, de Aya de Yopougon. Une adaptation produite par le studio Autochenille Production dont Clément Oubrerie est le co-fondateur avec Joann Sfar et Antoine Delesvaux. Un touche-à-tout, vraiment !
Ce Voltaire amoureux ne surprend pas de prime abord. Clément Oubrerie est un amoureux des faits, du vécu, du réel, du solide. Difficile dans sa bibliographie de ne pas s’arrêter sur les nombreuses adaptations de grands romans ou sur les ouvrages à porté biographique. Que ce soit l’adaptation du Zazie dans le métro de Queneau parue chez Gallimard en 2008, l’adaptation de la saga Les Royaumes du Nord de Philip Pullman entre 2014 et 2016 toujours chez Gallimard ou encore la série en 4 tomes Pablo sur la vie de Picasso chez Dargaud, on retrouve cette heureuse habitude d’Oubrerie de transformer la matière, de travestir l’existant. Sous ses traits, ces vies, ces livres prennent tout de suite une toute autre dimension. Et c’est avec joie que l’on se rend compte une nouvelle fois de ce fort talent du natif de Paris, à la lecture de Voltaire amoureux.
On suit donc les péripéties de Voltaire, de son ascension à ses premiers déboires amoureux, de la France en passant par les Pays-Bas. Le travail de recherche se fait sentir page après page et on sent un dessinateur désireux de faire passer son plaisir de dessiner mais aussi d’apprendre. Voltaire nous apparaît sous un nouvel angle, éloigné de l’aspect parfois austère des biographiques ou des livres d’Histoire. Et pourtant, le propos est le même, souvent sérieux, relatant l’évolution de la carrière de celui qui appellera alors à être l’un des plus grands Hommes de lettres français.
Le dessin est bien senti, tantôt humoristique et léger, tantôt plus sombre et grave quand il le faut, comme lorsque Voltaire souffre de la variole. Certaines planches s’avèrent même vraiment réussies (le plan sur la Bastille, le port de Leyde etc.). Un petit plaisir des yeux assurément. Sur cet album qui en appelle un second d’ailleurs, Clément Oubrerie prend le parti de la jouer solo et son trait s’en ressent agréablement : moins coloré globalement, les coups de crayon se font sentir pour une superbe impression générale. La forme surprend parfois avec des choix originaux qui viennent donner un tout autre rythme à plusieurs pages.
Certes, et on le ressent à la lecture, difficile de conserver une intrigue captivante de bout en bout en gardant le cap sur la véracité historique et sur la vie de Voltaire. Quelques temps morts s’installent çà et là, mais la lecture se termine en laissant une agréable impression.
En somme, un ouvrage à mi-chemin entre la biographie, le roman historique et la BD classique. Une fenêtre ouverte sur un homme des Lumières qui n’a pas fini de se laisser découvrir. Encore ici un brillant exemple !
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