La rentrée littéraire de janvier bat son plein et Frédéric Ciriez fait son retour dans les librairies avec BettieBook publié chez Verticales. Une histoire douce-amère qui fait se rencontrer un critique littéraire sur la pente descendante et une booktubeuse en pleine force du like. À mi-chemin entre un thriller érotico-judiciaire et une non-fiction brumeuse sur le monde moderne de la critique littéraire, Frédéric Ciriez signe un nouvel ouvrage à mille facettes. Lettres it be l'a lu et vous en dit un peu plus.
# La bande-annonce
Quel obscur désir anime Stéphane Sorge, un critique littéraire respecté, alors qu'il enquête sur une jeune booktubeuse, consacrant ses coups de cœur vidéo à des dystopies grand public ?
Au gré d'une intrigue hypnotique, le bref thriller de Frédéric Ciriez se fait tour à tour drôle, érotique et assassin. Il incarne avec une cruauté loufoque les enjeux actuels de l'industrie culturelle, ses splendeurs déchues, ses leurres en vogue et ses lueurs insoupçonnées.
# L’avis de Lettres it be
Frédéric Ciriez est un habitué du sombre absurde. Après Des néons sous la mer (Gallimard, 2010) qui mêlait satire, anticipation politique et mélodrame bien senti, ou encore Mélo (Gallimard, 2016) qui se mettait dans les pas de ces invisibles de tous les jours, BettieBook offre un nouveau choc des extrêmes. Ici vont se confronter les deux pendants d'une même médaille. La médaille de la critique littéraire qui n'a jamais montré plus jeune visage qu'aujourd'hui. Booktubeuse, PAL, wishlist ... Lire est à la page, hype, il suffit d'en juger par la profusion de blogs spécifiques ou de chaînes YouTube dédiées à la lecture. Frédéric Ciriez saisit la balle au bond et se plonge, avec nous, dans ce Nouveau Monde des livres 2.0.
« Plus on la voit, plus elle vit. Plus on s’abonne à sa chaîne, plus est existe. Elle est un média, l’actualisation sans fin d’un corps et d’un discours. Elle est BettieBook. »
Ainsi et dans ce roman, Stéphane Sorge, critique littéraire usé va se prendre d'intérêt pour Bettie, booktubeuse à succès. L'un se rouille doucement pendant que l'autre rayonne à la lumière de la modernité. Un tout qui baigne dans une époque contemporaine retranscrite sans fards et où les inventions de l'auteur, ses drôleries et ses quelques piques acerbes côtoient des personnages de la vraie vie. Dès l’ouverture du roman, Ciriez nous invite à prendre part à l’enterrement de Norman, l’un des plus grands booktubeurs français, dans le livre mais aussi dans la vraie vie. De quoi débuter idéalement la confusion entre fiction et réalité, confusion entretenue de main de maître par l’auteur natif de Paimpol. La guerre des mondes peut commencer.
« C’est le jour des funérailles de Norman, suivies en direct dans le monde francophone, à la télévision et sur le web, à l’égal de celles des plus grands chefs d’Etat. La vidéo funéraire, manière de web-testament ou de manifeste artistique posthume, tourne en boucle sur sa propre chaîne YouTube, atteignant les 120 millions de vues en quelques heures. »
Et alors que la lecture des premières dizaines de pages de ce livre laisse en bouche comme l'amertume d'une critique acerbe d'un vieux de la vielle qui peine à reconnaître ses successeurs dans le monde foisonnant et en plein renouvellement que celui de la critique littéraire, Frédéric Ciriez surprend une fois encore en menant parfaitement son récit avec cette rencontre de deux mondes personnifiés à merveille. Une rencontre, que dire, un Big Bang. A la légère déception flottant sur la première et la seconde partie vont succéder l'engouement sur la troisième et enfin la jubilation sur les deux dernières. En effet, cette avant-dernière partie sobrement intitulée « Ego » est un petit condensé d’inventivité littéraire, un feu d’artifices qui vient ponctuer l’histoire de façon bien originale. On vous laisse découvrir pourquoi ...
Une fois encore, Frédéric Ciriez fait s’affronter deux opposés. Le critique littéraire du Vieux Monde et la booktubeuse bien dans l’ère du temps, la nymphette qui s’ignore et le grand méchant loup, l’opportuniste et l’opportuniste … Qui est qui ? Cette rencontre sur terrain neutre est l’occasion de nombreuses réflexions et retournements de situation. Et derrière la fiction de son ouvrage, Ciriez parvient à instaurer une ambivalence des plus malines. Une ambivalence qui ne choisit pas, laissant le lecteur face à sa propre opinion finale. Nombreux sont les auteurs qui peinent à cacher ces ficelles habitant plus ou moins discrètement leurs textes. Frédéric Ciriez fait partie de ceux, bien plus rares, qui parviennent avec succès à instaurer la réflexion et le jugement personnel au sein d’une brume savamment installée. Un coup de cœur pour débuter 2018 !
Écrire commentaire