On débute la valse des premiers romans en cette belle rentrée littéraire 2019 avec bleu blanc brahms signé Youssef Abbas et publié chez Actes Sud. La maison arlésienne propose ici un texte à la construction originale mais aux propos de fond plutôt déjà vus et entendus dans la matière littéraire même la plus récente. Jugez plutôt.
# La bande-annonce
Yannick et Hakim ont attendu ce jour avec impatience, une ferveur mêlée d’angoisse…
Dans la banlieue de D., une ville française anonyme, la vie de ces adolescents inséparables est réglée sur la joyeuse cacophonie de leur immeuble, entre le Johnny Hallyday du voisin du quatrième étage, Les Feux de l’amour que leurs mères ne ratent jamais au troisième, et Brahms, au premier, dont les lambeaux de sonates jaillissent des enceintes de Guy Lermot, le nouveau venu, mystérieux et taciturne.
17 h 30, c’est l’heure à laquelle on les rencontre, à la lisière de leurs vies. À la lisière de l’âge adulte, de leur condition, de leurs identités. Le compte à rebours est lancé en cette journée de finale de la Coupe du monde, et à l’issue des cinq heures que durera cette partition jouant un morceau de France de la fin des années 1990, les destins télescopés de ces personnages seront bouleversés…
bleu blanc brahms est le roman poignant, drôle et poétique, de trajectoires filantes, entre fièvre populaire et frissons intimes unis dans un même élan universel.
# L’avis de Lettres it be
Youssef Abbas est né en 1983 et « travaille dans le secteur financier ». C’est tout ce que nous saurons sur ce primo-romancier à travers la quatrième de couverture de son livre bleu blanc brahms à retrouver aux éditions Actes Sud. Pour son premier texte, qui plus est soumis en pleine rentrée littéraire session 2019, notre homme fait le choix de la vie. La vie dans la banlieue à travers les yeux de ceux qui s’y trouvent, à travers leurs réflexions, leurs envies et leurs déchéances, mais aussi et surtout, à travers leurs voix. Des voix découpées au gré des minutes et des mi-temps d’un match de football très vite appelé à marquer l’Histoire : la finale de 1998 entre la France et le Brésil. Tout le monde ou presque se souvient de ce qu’il faisait, de ceux avec qui ils se trouvaient. Et Youssef Abbas remonte ce fil mémoriel en s’immisçant au plus profond de la vie de ses personnages. Autant de trajectoires, dans un même frisson.
Très vite, on a cru que les éditions Actes Sud avait fait le pari de nous resservir un texte similaire à Leurs enfants après eux qui avait valu à Nicolas Mathieu l’obtention du Goncourt cuvée 2018. Tout semble démarrer de la même manière, les lieux, les personnages, les réflexions, les discussions… On se surprend à s’attendre, une fois n’est pas coutume, à un texte d’immersion profonde dans la banlieue, un texte pour faire parler ceux qui ne parlent plus. Ou plutôt, pour parler à leur place et forcer leur bouche avec les dires que l’on veut y mettre. C’était tout le grief fait à Nicolas Mathieu, justement. Fort heureusement, Youssef Abbas prend la décision, pour son premier roman, d’orienter son récit autour de la finale de la Coupe du monde de football 1998, tout cela en optant pour une alternance des voix, des espaces et des péripéties. Ouf ! Nous n’aurons pas le droit à un Après leurs enfants après eux. La satisfaction est-elle quand même au rendez-vous ? Rien n’est moins sûr.
Mise à part une structure du récit assez originale, mise à part une tension progressive pointant le bout de son nez au beau milieu de cette alternance de voix et de situations, bleu blanc brahms n’est pas la surprise de l’année. On reste, à regret, enfermé dans une accumulation de réflexions convenues et de propos sans grande fraîcheur, dans la bouche de personnages venus de banlieue. Mention spéciale, tout de même, au voisin fan absolu de Brahms, qui apporte une dynamique intéressante en fin de texte. Mais ce sera tout.
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