"Le vol du gerfaut" de Jean Contrucci : vol à basse altitude

Le vol du gerfaut est le dernier roman de Jean Contrucci publié chez HC Editions
Le vol du gerfaut est le dernier roman de Jean Contrucci publié chez HC Editions

 

Quand Jean Contrucci, critique littéraire déjà auteur de romans noirs, passe définitivement de l’autre côté de la barrière et s’adonne au roman typique, on peut légitimement s’attendre à quelque chose de plutôt savoureux. On place toutes nos espérances dans l’expérience de la personne, dans sa faculté à évaluer le travail de ses comparses pour n’en garder que le bon. C’était du moins la promesse faite avec Le vol du gerfaut paru chez HC Editions. Lettres it be est allé vérifier si cette promesse avait bien été tenue.


 

# La bande-annonce

 

Jean-Gabriel Lesparres, grand auteur français reconnu par tous, est en panne d'inspiration. Bien décidé à ne pas publier un texte qui ne soit pas à la hauteur des précédents, il décide de se faire voler son manuscrit...

 

 

Jean-Gabriel Lesparres est l'un des plus grands auteurs de son temps. Prix Goncourt, directeur littéraire, membre des plus grands jurys parisiens, il n'a plus rien à prouver à personne... Si ce n'est peut-être à lui-même. Depuis dix ans, il peine à achever son dernier roman, que lui réclame à cor et à cris son éditeur et vieil ami. L'écrivain sait que son texte n'est pas à la hauteur des précédents et refuse de céder à la machine éditoriale. Une idée lui vient alors, qui va modifier le cours de son existence : se faire voler son manuscrit et enterrer définitivement ce projet. Tout se passe à peu près comme prévu, jusqu'au jour où il découvre que son texte va être publié sous le nom d'une jeune auteure inconnue... et par son propre éditeur.

 

 

# L'avis de Lettres it be

 

 

Comme dit un peu plus haut, Jean Contrucci est journaliste, grand reporter, correspondant au Monde pendant plus de 20 ans, et aujourd’hui critique littéraire. Un profil de vieux routard du stylo qui laisse présager de bien belles choses, rien qu’à en juger par le succès rencontré par ses nombreux romans noirs parus ces dernières années, en particulier sa série Les nouveaux mystères de Marseille. Voilà que notre homme se livre à un exercice différent maintenant en publiant un roman pur et dur, Le vol du gerfaut. Une histoire d’écrivain, de subtile magouille, une satire douce-amère de l’édition hexagonale. Un cocktail sympathique. Seulement sur le papier ?


Jean Contrucci
Jean Contrucci

 

Nous nous mettons donc dans les pas de Jean-Gabriel Lesparres, immense écrivain à succès, déjà auréolé de nombreux prix dont le Goncourt. Sauf que l’inspiration vient à manquer et que notre bon monsieur refuse de céder aux sirènes de la machine éditoriale jamais rassasiée. Il imagine alors toute une opération d’extorsion de son dernier manuscrit en vue d’enterrer définitivement celui-ci. Sauf que (comme par hasard) tout ne se passe pas comme prévu. Autant le dire tout de suite : l’histoire, captivante au niveau de l’apparence, tourne très vite au vinaigre. Les personnages sont posés sans trop soin, de sorte à ce que l’on ne prenne pas franchement la mesure de l’intérêt de toute cette histoire. Un livre qui disparaît parce que Môsieur l’auteur se juge sans inspiration et veut encaisser son cachet sans avoir de compte à rendre, faut-il véritablement un faire tout un roman ?

 

Au fur et à mesure de la lecture, on s’attend en permanence à ce qu’un événement, ne serait-ce qu’une petite péripétie, vienne relancer (ou lancer) la machine. On croit entrevoir cela avec cette publication du manuscrit supposément disparu. Mais non, toujours pas : l’auteur se prend les pieds dans le tapis de la facilité, ce méli-mélo éditorial se lit sans trop de saveur particulière, la fin étant entrevue avant même la moitié du livre. Dans tout ce fatras, impossible pour l’auteur de quitter ses premières amours et de ne pas ajouter dans ce Vol du gerfaut des éléments propres au polar. Sauf que … tout tombe très vite à  l’eau, là encore, tant le grand écart est pratiqué sans échauffement préalable. Comme dit, les personnages sont souvent caricaturaux, les dialogues, vacillants, et le mayonnaise ne prend définitivement pas.

 

 

Alors, le coup de la mise en abîme est plutôt bien senti. L’écrivain en panne d’inspiration, toute cette histoire pourrait être celle de Jean Contrucci, on en convient aisément. Mais au-delà de cette pirouette, force est de constater que cela ne suffit pas à donner au livre un intérêt certain. On navigue dans les eaux du polar,  du roman de situation voire du burlesque par moment, mais on a beaucoup trop vite le mal de mer. C’est avec regret que l’on referme ce livre, alors que l’idée de départ avait tout pour plaire. Comme quoi …

 

 

 

SAUF QUE … Un second niveau de lecture de cet ouvrage pourrait nous ouvrir une porte de réflexion intéressante : et si ce livre était vraiment celui que Jean Contrucci voulait faire disparaître ? Et s’il y avait un roman par-dessus le roman ? Mais en fait non, toujours pas … Si les raisons de ne pas publier ce livre étaient visiblement aussi bonnes, autant s’en prémunir dès le départ. Double-dommage.

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