Auteur aveyronnais prolifique désormais installé à Toulouse, Manu Causse revient en librairie avec Oublier mon père publié chez Denoël. Un roman où sont questionnées, tour à tour, les thématiques des racines, de la famille, du passé etc. Lettres it be a découvert ce livre et vous en ramène quelques souvenirs.
# La bande-annonce
« – Pas la peine de chialotter, je ne t’ai pas fait mal, m’assure ma mère chaque fois qu’elle me gifle. »
Sud de la France, années 90. Alexandre grandit auprès d’une mère autoritaire et irascible. Elle veut à tout prix qu’il oublie l’image de son père disparu prématurément. Bon garçon, il s’exécute.
Devenu photographe, Alexandre se révèle un adulte maladroit, séducteur malgré lui, secoué par des crises de migraine et la révolution numérique. À quarante ans, il échoue dans un petit village de Suède pour y classer des images d’archives. Il lui faudra un séjour en chambre noire et une voix bienveillante pour se révéler à lui-même et commencer enfin à vivre.
Oublier mon père parle de la construction de l’identité masculine, des mensonges qui nous hantent et de la nécessité de s’affranchir du passé.
# L'avis de Lettres it be
« A la fin des années 1980, la notion de harcèlement n’est pas à la mode. A Tarbes, en tout cas, on considère comme normales les intimidations, les brimades et même les bagarres entre élèves (et, sans doute, entre certains adultes, comme ma mère et M. Suchet) tant que ça reste ‘’dans une certaine limite’’ – mais on ignore où se situe celle-ci, puisqu’elle ne semble jamais atteinte. »
Homosexualité, enfance difficile, relation complexe aux parents… Pour son nouveau roman, Manu Causse ne fait pas dans la demi-mesure et propose un récit qui mélange bon nombre de thématiques toutes plus difficiles les unes que les autres. Dans un récit que l’on imagine teinté d’autofiction même s’il reste difficile de l’affirmer et de savoir précisément ce que nous avons entre les mains (c’est d’ailleurs là tout l’écueil de l’autofiction…), l’auteur originaire de l’Aveyron s’étant également illustré dans la littérature jeunesse s’inscrit dans une tendance résolument moderne du roman français.
« Dans les jours suivants, en classe et dans la cour, les élèves plus âgés se chargent de faire mon éducation : je suis une tantouze, j’aime les garçons, c’est quelque chose de honteux – une maladie dont on commence à mourir à cause d’une épidémie nommée sida.
A part le fait d’aimer les garçons (en fait, je ne suis attiré par personne, car je me sais répugnant), tout cela me paraît très logique. D’autant plus que ma mère, qui entend sans doute la rumeur de la bouche d’un de ses collègues, murmure devant moi ‘’Ca, c’est la faute de ton père’’. Et je me souviens que Papy lui disait, en parlant de moi, ‘’Vous allez en faire une tapette’’. Je comprends à la fois le sens de cette phrase et sa portée prophétique. »
Manu Causse propose avec Oublier mon père un roman peut-être un peu trop dans l’ère du temps. La construction de l’identité masculine au beau milieu de la province française (une province obligatoirement un brin arriérée), l’importance de s’affranchir du passé et de ses racines pour entrer de plein pied dans un monde moderne où tout regard en arrière semble désormais peu louable… Là où Edouard Louis ouvrait une brèche en la matière avec En finir avec Eddy Bellegueule, Manu Causse profite de l’ouverture mais semble l’élargir jusqu’au trop-plein. Très vite, on ne sait plus vraiment où se situe l’objet principal de ce roman : le rapport à la mère et au père, le rapport au passé, le rapport aux racines, le rapport à l’amour, le rapport à la photographie, le rapport au rapport… Un méli-mélo de thématiques jetées en pâture, comme pour rassasier le plus possible d’esprits en peine. Malheureusement, on se perd très (trop) vite dans un roman qui, loin d’être pleinement raté, ne convainc pas réellement. Nul doute que Manu Causse brille sur d'autres terrains, et nous serons ravis de le retrouver par là-bas.
Écrire commentaire