"Camarade Papa" de Gauz : comme un isme entre deux livres

Camarade Papa est le deuxième livre de Gauz publié chez Le Nouvel Attila
Camarade Papa est le deuxième livre de Gauz publié chez Le Nouvel Attila


Avec Debout-Payé paru en 2014 chez Le Nouvel Attila, Armand Patrick Gbaka-Brédé, mieux connu sous le nom de Gauz, avait marqué les esprits. Notre homme est revenu avec son deuxième roman, Camarade Papa, publié en août 2018 au même endroit. Un fort changement de registre au programme mais un travail toujours aussi solide autour de la langue, Lettres it be vous dit tout !



 

# La bande-annonce

 

1880. Un jeune homme, Dabilly, fuit la France et une carrière toute tracée à l’usine pour tenter l’aventure coloniale en Afrique. Dans une « Côte de l’Ivoire » désertée par l’armée française, quelques dirigeants de maisons de commerce négocient avec les tribus pour faire fructifier les échanges et établir de nouveaux comptoirs. Sur les pas de Dabilly, on découvre une terre presque inexplorée, ses légendes, ses pactes et ses rituels.

 


Un siècle plus tard, à Amsterdam, un gamin d’origine africaine raconte le monde post-colonial avec le vocabulaire de ses parents communistes. Lorsque ceux-ci l’envoient retrouver sa grand-mère et ses racines en Afrique, il croise les traces et les archives de son ancêtre.

 

 


Ces deux regards, celui du blanc sur l’Afrique et celui du noir sur l’Europe, offrent une histoire de la colonisation comme on ne l’a jamais lue. Gauz fait vivre des personnages tout en contrastes à la lumière solaire, dans une fresque ethnologique pétrie de tendresse et d’humour.

 

 

# L’avis de Lettres it be

 

1880, un siècle plus tard. Un siècle plus tard, 1880. Après Debout-Payé qui racontait le quotidien d’un vigile dans Paris, un livre qui optait déjà pour l’alternance des temps et des sentiments, Gauz reprend ce pari de l’alternance dans Camarade Papa. Et cette fois, l’auteur n’y va pas de main morte en faisant s’alterner les époques, les voix et les situations. De chapitre en chapitre, le lecteur est ainsi balancé entre tous ces éléments et, au bout du tunnel, brille en permanence une surprenante cohérence. De ce colon qui fuit la France direction l’Afrique terre promise à ce petit garçon d’origine africaine élevé dans une famille hollandaise communiste, tout semble se recouper. Qu’importe la peau, qu’importe le temps, qu’importe les sentiments. Gauz poursuit ses aventures littéraires, et on reste (très) agréablement surpris.

 

 

La vidéo du moment

Gauz
Gauz

Difficile, une fois encore, de ne pas être séduit par la plume de cet auteur. Pour son deuxième livre, Gauz remet dans l’assiette tous les ingrédients qui ont fait son succès pour son premier roman. Alors que cette méthode laisse parfois la place à la déception quand s’enchaîne les livres, le même niveau d’exigence et de satisfaction littéraire est présent ici. Style marqué et empreint d’une inévitable touche personnelle, alternance maîtrisée tout au long du roman, mais aussi et surtout cette langue forte et imagée à la façon des grands de la littérature africaine francophone que peuvent être Alain Mabanckou ou plus récemment Ali Zamir. Jugez plutôt, entre autres inventions de la sorte, toutes plus brillantes les unes que les autres.

 

 

« Lorsque la nuit veut tomber, on se laisse ami-distance car on est très copains et on ne voudrait pas que pour rentrer chez lui, l’un marche plus longtemps que l’autre. »

 

 

 

On a très vite parlé de « fresque coloniale ». Des mots proposés par l’auteur lui-même pour parler de son Camarade Papa. Et c’est vrai qu’il y a de ça dans ce roman croisé entre hier et presque aujourd’hui, dans ces deux destinées que tout semble ramener à l’Afrique. Coûte que coûte. Là encore, comme le reconnaît Gauz dans cet interview passionnant mené par Culturebox (lien), il y a un peu de La vie devant soi de Romain Gary dans ce livre, ne serait-ce que par le choix de ce jeune narrateur parmi les deux voix que l’on retrouve dans Camarade Papa. Un décalage temporel, un décalage des idées, un décalage des couleurs et des peaux. Une fois encore, Gauz parvient à faire le pas de côté nécessaire aux beaux livres, ni trop loin ni trop près de son sujet, l’auteur originaire d’Abidjan en Côte d’Ivoire remet le couvert avec brio. Dans un registre différent que pour son premier livre, quoi que là encore, des ponts se font naturellement, l’auteur se pose et s’impose.

 


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