Karine Giébel est assurément un roman à elle seule. Surveillante d’externat puis pigiste et ensuite photographe pour un journal du coin, enfin équipière chez Mc Do, la voilà désormais auteure à succès, traduite dans plus de neuf langues à travers le globe. Un parcours hors du commun et qui ferait s’exalter bien des plumes.
Aujourd’hui, celle qui est née à La Seyne-sur-Mer revient dans les étales livresques avec D’ombre et de silence publié chez Belfond (un merci en passant). Un nouvel exercice d’écriture en perspective où Giébel va se faire affronter sa plume et le format de la nouvelle. Qui est le grand gagnant de ce duel à couteaux tirés ? Le lecteur, assurément …
# La bande-annonce
"Écrire une nouvelle, c'est tenter, en quelques lignes, de donner vie à un personnage, de faire passer au lecteur autant d'émotions qu'en plusieurs centaines de pages. C'est en cela que la nouvelle est un genre littéraire exigeant, difficile et passionnant."
« Partir sans lui dire au revoir.
Parce que je me sens incapable d'affronter ses larmes ou de retenir les miennes.
L'abandonner à son sort.
Parce que je n'ai plus le choix.
(...)
Je m'appelle Aleyna, j'ai dix-sept ans.
Aleyna, ça veut dire éclat de lumière.
(...)
J'ai souvent détesté ma vie.
Je n'ai rien construit, à part un cimetière pour mes rêves.
Là au moins, on ne pourra pas me les voler. »
# L’avis de Lettres it be
Terminus Elicius en 2004 récompensé du prix marseillais du polar l’année suivante, Meurtres pour rédemption qui figura en finale du prix Polar de Cognac, Les Morsures de l’ombre lauréat du prix Intramuros du festival Polar de Cognac, Juste une ombre prix Polar francophone en 2012 … La liste est longue comme le bras, la bibliographie de Karine Giébel compilant les succès et les best-sellers avec tout l’allant que l’on connaît à sa plume. Changement de décor ici avec D’ombre et de silence et ces huit/neuf nouvelles, dans un exercice périlleux tant il reste compliqué de faire passer toute une pléiade d’émotions à travers le format restreint de la nouvelle. Même pas peur !
Ces nouvelles abordent chacune des thèmes bien divers, du harcèlement scolaire aux violences faites aux femmes en passant par la solitude dans nos sociétés et les relations filiales conflictuelles. Des thèmes brutaux, forts, ancrés et qui ne manquent pas d’être traduits plus ou moins bien dans la littérature contemporaine. Malheureusement, cela laisse souvent place à la mièvrerie et le lieu commun commode plutôt qu’à un réel plaisir de lecture. Facile de glisser dans le pathos aisé, risqué de rester dans la mesure.
Autant le dire tout de suite : chaque nouvelle est une flèche qui tape juste, un coup de poing, coup de plume qui fait du bien là où ça fait mal. Tous les personnages sont incarnés à merveille, ils prennent vie en quelques souffles, ils explosent devant le lecteur, impuissant mais terriblement impliqué, comme rarement. Celle qui est passée maîtresse dans l’art de nous guider par le bout du nez récidive dans un exercice d’équilibriste où la seule peur devient celle que la lecture s’arrête.
Difficile d’expliquer de façon suffisamment objective ce qui fait de ce livre un vrai coup de cœur du côté de Lettres it be. En quelques pages, Karine Giébel offre toute une frénésie complexe, toute une myriade d’émotions. Quelques mots, plusieurs phrases, et le tour est joué. Découvrez ce livre, lisez-le. C’est une porte ouverte sur une œuvre toute entière qui n’attend plus que de vous emporter du côté des lettres, celles tout là-bas, là-haut près des étoiles …
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