Camille Guichard n’avait pas publié d’ouvrage depuis octobre 1991. Une éternité, direz-vous, pour un auteur. Mais le voilà qui refait surface dans les librairies avec Pique-nique, publié aux éditions du Mercure de France. Quand la plus paisible des situations tourne à l’indéfinissable drame, tout cela sur fond de désir adolescent qui ne brille que par son évidente impossibilité, c’est en quelques mots le résumé de ce roman. Lettres it be vous en dit un peu plus !
# La bande-annonce
Tous les dimanches, invariablement, Pierre et ses parents pique-niquent dans la forêt avec la famille Galas. Pierre a treize ans et attend ce moment avec impatience, car Jeanne Galas suscite chez lui un émoi indicible. Pourtant ce dimanche ne sera pas comme les autres, Pierre le comprend vite. En effet, caché derrière les buissons ou perché à la cime des arbres, Pierre surprend des regards et des gestes équivoques qui remettent en question le bel ordonnancement dominical. Et si son propre père et Jeanne Galas entretenaient une relation adultère… Cette révélation projette Pierre hors du monde de l’enfance : le lieu du pique-nique devient une arène.
# L’avis de Lettres it be
Comme dit plus haut, nous n’avions plus eu de signal sur les écrans radars concernant Camille Guichard depuis un gros paquet d’années. Il nous revient avec cet ouvrage énigmatique, aguerri depuis par la réalisation de nombreux documentaires sur la création artistique, des documentaires plusieurs fois récompensés. Pique-nique est un récit d’initiation sur quelques heures, la métaphore d’un passage entre monde des enfants et monde des adultes sur une journée. Un haïku sur la vie, en 200 pages. D’un pique-nique hebdomadaire banal au possible auquel on se rend avec cette bonne vieille voiture de famille encore rutilante comme l’époque, Camille Guichard nous amène promptement vers le précipice. Une fois passées les turpitudes du jeune Pierre pour la mère Galas, une fois évacués autour d’un verre de vin les regrets de l’antan, le tonnerre peut gronder au loin. Un précipice qui, d’abord, se présente sous nos yeux comme une dispute de couple comme il en arrive tant. Et pourtant …
« Je ferme les yeux quelques secondes et les ouvre en grand : Madame Galas apparaît, divine. Elle referme la portière et, d’un pas lent, se dirige vers nous. Mon cœur bat à tout rompre. Madame Galas est belle, fine, avec de grands yeux bleus, sa peau est d’une blancheur immaculée. Je ne peux pas détacher mes yeux de ses lèvres pulpeuses, dessinées avec un rouge à lèvres couleur sang, un appel au baiser. »
En effet, difficile de passer à côté de l’intérêt de Camille Guichard pour la réalisation, pour la création artistique, pour l’élaboration d’une œuvre, plan par plan, élément sur élément. Dans cette histoire, l’auteur multiplie les métaphores visuelles, peut-être un peu trop faciles parfois, comme cet arbre où aime à se réfugier le plus haut possible le jeune Pierre, narrateur de ce livre, comme une tour d’ivoire, un monde imprenable encore loin de celui trop bas des adultes. On navigue d’image en image et l’auteur s’y plaît à coudre son récit de la sorte. Jusqu’au drame.
Camille Guichard propose un huis-clos sans frontières, une angoisse de l’exigu dans une nature ouverte sans aucune finitude. Une idée rondement menée, qui offre à cette histoire un cadre original des plus plaisants. Un bien beau retour aux affaires qui appelle à de bien belles choses à l'avenir.
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