"Belle infidèle" de Romane Lafore : la dolce mise en abîme

Belle infidèle est le premier roman de Romane Lafore publié chez Stock dans la collection Arpège
Belle infidèle est le premier roman de Romane Lafore publié chez Stock dans la collection Arpège

Premier roman de Romane Lafore publié dans la collection Arpège chez Stock, Belle infidèle est l’occasion de se lancer à la poursuite d’un texte. Un texte à traduire qui pourrait être bien plus que ça pour Julien Sauvage, personnage principal. Lettres it be s’est lancé dans cette poursuite et vous en ramène quelques souvenirs.


# La bande-annonce

 

Belles infidèles : traductions libres, fleuries et souvent parcellaires des textes de l’Antiquité, qui privilégient l’élégance finale du français à la fidélité au texte d’origine.

 

 

Julien Sauvage est traducteur. Abonné aux guides de voyage et aux livres de cuisine, il rêve en vain d’écrire son propre roman : le récit sublimé d’un chagrin d’amour.Une façon pour lui d’en finir avec Laura, sa belle Franco-Italienne qui lui a piétiné le coeur. Mais contre toute attente, une éditrice parisienne le contacte pour traduire en urgence un roman encensé en Italie : Rebus, l’oeuvre d’un brillant trentenaire, Agostino Leonelli. Alors qu’il progresse dans la traduction, Julien retrouve la terre rouge des Pouilles, les figuiers de Barbarie, les jardins riches en plantes grasses avec la mer à l’horizon. Il plonge dans les années de plomb, que son vieux mentor Salvatore, libraire exilé à Paris, rechigne à évoquer. Il revoit Laura, sa lumière, son ventre constellé de grains de beauté. Il embrasse à nouveau la souplesse et les caprices de la langue italienne… Jusqu’à ce que le doute l’étreigne : l’histoire dont s’inspire Rebus pourrait-elle être aussi la sienne ?

 

# L'avis de Lettres it be

 

On est intrigué. À la lecture d’une telle quatrième de couverture, on ne sait pas vraiment à quoi s’attendre. On craint le roman français trop français, embourbé dans des dialogues sans fin et des considérations amoureux pire qu’inintéressantes. On craint l’histoire qui se cherche derrière un premier plan faussement intellectualisant. « En se glissant parfaitement dans la peau d’un homme […] », comme si cela pouvait être d’emblée gage de qualité… Alors on se laisse tenter et on découvre cette Belle infidèle.

 

La vidéo du moment

Romane Lafore
Romane Lafore

Un appel, une éditrice célèbre, un roman à traduire, une opportunité à saisir. Tout commence, ou presque, comme dans un film français période Printemps du cinéma lorsqu’il faut remplir les salles à pas cher. Petit à petit, cette Belle infidèle se prélasse sous nos yeux, prend son aise et son temps. On devine l’origine de ce projet de traduction, on comprend la situation de Julien au centre de l’histoire, on entend parler d’amour encore et toujours. Tout se met en place dans un rébus littéraire qui ne se laisse que trop peu deviner. Pourquoi cette histoire d’amour prend-elle autant de place ? Que cherchent à défendre tous les personnages en présence ? On se gratte la tête, et on tourne les pages.

 

 

Ce pourrait être l’un des futurs Woody Allen. Romane Lafore manie avec élégance l’art de l’imbroglio, du quiproquo. Parce qu’on est en Italie, de près ou de loin, ce livre est fort en comédie, en situations bien amenées et senties à merveille. On plonge dans le monde de l’amour, dans le monde de l’édition, dans le monde du souvenir, et le voyage est d’une cohérence telle qu’il nous laisse tout le loisir de profiter de chaque escale. Quand on sent poindre l’ennui et le désintérêt, l’auteure trouve toujours le bon tiroir à ouvrir pour relancer la machine. Et vogue la belle galère… On se laisse porter, et finalement c’est très bien comme ça.

 

 

 

Une fois encore, la mise en abîme de l’écrit dans l’écrit. La recette pourrait sembler dépassée, sans goût authentique. Pourtant, et pour un premier roman, Romane Lafore parvient à donner la touche nécessaire pour sortir Belle infidèle du sentier et en faire un objet littéraire à part entière. L’Italie et sa table, cet amour dans lequel on se jette à corps perdu pour mieux s’en retirer… Autant d’éléments, et bien d’autres encore, qui donnent l’originalité que l’on espérait. C’est joli, c’est doux, c’est surprenant. On reste aisément fidèle à ce genre d’infidèle.


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