Yves Pagès est un auteur et éditeur français bien connu dans ce petit monde. Le voilà qui revient en librairie avec Encore heureux publié aux Editions de l’Olivier. L’histoire d’un rebelle en quête de liberté dans une France qui se cherche après mai 68. Un roman ponctué d’humour et à la construction plus que surprenante que Lettres it be est allé découvrir pour vous.
# La bande-annonce
Bruno Lescot est en cavale. Sa jeunesse, il l'a passée à collectionner les délits, jusqu'à son dernier exploit, ce faux braquage qui a coûté la vie à un policier. Aujourd'hui, coupable tout désigné aux yeux des juges, il préfère disparaître. C'est donc sans lui que se déroule son procès, et que s'enchaînent les expertises et les témoignages de ceux qui l'ont côtoyé. Le portrait qui se dessine alors est celui d'un homme de sac et de corde, aux fidélités multiples, prêt à toutes les aventures, pourvu qu'elles défient l'ordre et ses gardiens dont il aime à se moquer.
Car Lescot est un ironiste d'un genre particulier, plaçant si haut la liberté qu'il est prêt à la perdre pour un mot d'esprit retors.
Encore heureux ? Une bombe littéraire. Au lecteur d'allumer la mèche.
# L'avis de Lettres it be
Le nom d’Yves Pagès ne vous est peut-être pas inconnu. Déjà grâce à sa bibliographie plutôt bien fournie, que ce soit par des essais ou des romans, mais aussi par le fait que notre homme soit l’un des actuels dirigeants de la collection de la maison d’édition Verticales. Un palmarès bien intéressant et qui suffit à se convaincre de se pencher sur son dernier livre, Encore heureux.
Ce récit est donc découpé entre manchettes et articles de presse, dépositions et éléments juridiques puis, de temps à autre, récit narratif tout à fait classique. Voilà une chose qui saute aux yeux dès les premières pages. L’auteur y fait le pari de l’originalité en débutant son roman par toute une collection de « Attendu que », exactement comme ce que l’on pourrait retrouver dans un texte de droit, un compte-rendu de jugement etc. L’idée étant de suivre, à travers ce puzzle savamment construit, le parcours du jeune Bruno Lescot, de ses premiers faits d’armes déjà à l’école jusqu’à ses plus grands actes de rébellion.
On suit donc le fil d’une vie qui interpelle, le fil d’une existence placée sous le signe du refus de la condition trop imposée dans une France des années 70 et 80 au tournant de se période contemporaine. La politique, les premiers tremblements sociaux, le réveil post-68 … Tout y passe dans ce roman qui, parfois, se perd entre critique autobiographique d’une société qui a (déjà) implosé et roman d’initiation d’un punk bien de chez nous et un peu anar’ qui se cherche sans vraiment se trouver. Toujours est-il que l’auteur tient à instiller dans nombre de paragraphes un humour qui fait mouche à bien des reprises. Un petit plus qui égaie largement la lecture.
« Attendu que, s’il est permis d’appeler un chat un chat sans prendre des vessies pour des lanternes, les deux contrevenants mineurs, Bruno et Valentina, sous les apparences d’un exercice de réanimation, ne se livraient pas à un simple concours de baisers, mais aggravaient leur cas d’un attentat à la pudeur mutuelle. »
Même si l’humour est bien présent comme dit précédemment, même si la forme utilisée dans ce livre, ce pastiche quasi-permanent de textes juridiques et de presse, confère au livre un intérêt tout particulier, force est de constater que l’histoire s’estompe derrière cela. L’image du révolutionnaire un pied encore dans mai 68 et l’autre qui peine à se poser dans la société qui suit ne suffit pas à tenir en haleine tout au long du roman. Bruno Lescot est un personnage tantôt attachant, tantôt incompris (incompréhensible ?). On ne s’attache pas vraiment à ses aspirations de devenir le héraut d’une liberté qui se confond de temps à autre avec une volonté de contre-pied permanent et un certain mépris de l’ordre établi. L’idée de départ est drôlement bien vue, mais peut-être que le roman aura pu s’alléger sur la balance finale pour gagner en attractivité. Mais le plaisir est quand même là, encore heureux.
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