Le 2 mai dernier sortait aux éditions Gallimard le nouveau livre de Nora Sandor, Licorne. Derrière ce titre mystérieux se cache une vraie petite fable moderne. Les personnages ? Vous, moi, eux : tous ces gens pour qui les réseaux sociaux forment une piste de décollage vers la sortie de l’anonymat. Exister, pour de vrai mais à quel prix ? Lettres it be vous dit tout sur ce nouveau roman !
# La bande-annonce
La vie de Maëla, vingt ans, s'écoule au rythme des réseaux sociaux. Quand elle ne s'ennuie pas sur les bancs de l'université ou à la caisse du supermarché qui l'emploie, elle passe l'essentiel de son temps dans un monde rêvé. Elle est fascinée en particulier par un rappeur qui joue de son succès pour créer une mystérieuse identité virtuelle, et se met en scène accompagné de son ours des Carpates, Baloo.
À son tour, Maëla commence à espérer une existence offerte à la curiosité des autres, qui la tirerait de l'anonymat. Tout s'accélère le jour où, à sa grande surprise, elle remporte un concours sur les réseaux pour participer au prochain clip du rappeur. Alors que des milliers de nouveaux followers assaillent le compte de la jeune inconnue, sa vie bascule enfin.
Ce tableau de la modernité virtuelle prend peu à peu l'aspect d'un cauchemar mélancolique sur lequel plane l'ombre gigantesque de l'ours des Carpates. Le récit flotte dans une ambiance crépusculaire, accentuée par une écriture sinueuse, moderne et envoûtante. Un roman à l'humour étrange et prenant, à la fois plein de poésie et de tristesse métaphysique.
# L'avis de Lettres it be
Une auteure mystérieuse et peu connue jusqu’à présent, un titre nuageux qui n’en dit pas plus que lui-même… Licorne avait de quoi séduire sur le papier. Et les premières petites promesses sont suivies des faits : ce livre est à ne pas manquer et on vous dit tout de suite pourquoi !
Rap game, Instagram, forces et faiblesses des réseaux sociaux, relations humaines à l’heure du tout-connecté… De nombreuses thématiques, relativement proches, se croisent et s’entrecroisent sous la plume de Nora Sandor dans son nouveau roman. Tout cela s’articule à merveille, dès les premières pages, pour poser les bonnes bases d’un récit qui se déroule naturellement, de bout en bout, et offre une véritable réflexion sur la réalité de ces différentes galaxies qui nous entourent jour après jour.
Maëla, Madame Bovary moderne qui se devine avec sûreté tant les références s’accumulent, est un personnage protéiforme. Protéiforme parce qu’elle pourrait être moi, vous, quelqu’un de votre famille ou de vos amis. Avec lucidité, l’auteure dépeint avec précision le portrait de toutes ces personnes, souvent jeunes, qui s’offrent pleinement aux réseaux sociaux pour tenter de grapiller un morceau de « je suis quelqu’un ». Inspirée par les autres, envieuse peut-être de leur succès instagrammable, Maëla n’a d’autres vues que celle d’en faire de même. Elle se verrait bien quitter ses petits jobs étudiants, quitter sa petite ville pluvieuse mais aussi et surtout, faire grimper en flèche son nombre d’abonnés, direction la notoriété. Ou comment trouver sa félicité aujourd’hui.
Jusqu’alors, peu de livres s’étaient attelés à cette tâche, et encore moins avec autant de brio. On suit l’histoire de Maëla avec autant de plaisir que de répulsion : cette fascination pour la célébrité que l’on sait de facto éphémère, cette confusion entre réel et réalité qui ne forment plus qu’un tout difficile à distinguer… Tout cela effraie. Mais intéresse et donne envie. Mention spéciale pour les dernières pages du livre qui offrent un retournement massif avec une éclairante lucidité sur l’une des réalités des réseaux sociaux, sans trop vous en dire pour ne rien divulgâcher. Cruel et terriblement lucide, une fois de plus.
Nora Sandor offre le roman de tous ces « youtubeurs », « instagrameurs », tous ces perce-néants. Après l’excellent BettieBook de Frédéric Ciriez paru en janvier 2018, Nora Sandor s’engouffre à son tour dans ces thématiques contemporaines : réseaux sociaux, confusion entre réel et réalité, toutes ces existences devant et derrière les smartphones… Toujours très juste, l’auteure née en 1988 donne à Licorne le ton qu’il fallait : ce livre ne singe rien, ne mime rien, n’exagère rien. On sent la pleine maîtrise du sujet et cette volonté de retranscrire au like près ce monde nouveau en effervescence permanente, cette terra incognita 2.0. A aucun moment l’auteure ne semble être à côté de son sujet, trop décidée à en parler sans le maîtriser réellement. Véritablement, chaque paragraphe et chaque idée sonnent juste, des quelques paroles de rap jusqu’à la réalité du youtubeur ou de l’instagrammeur d’aujourd’hui. Et quelle prise de recul offerte avec ce livre lorsque l’on est amené, comme votre serviteur, à en parler sur tous ces supports traités et maltraités par l’auteur… Brillant !
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