Un auteur de théâtre passé au roman, un écrivain plutôt discret et peu exposé jusqu’à présent, un candidat au Prix Goncourt retenu dans la deuxième sélection, un livre protéiforme qui prend place du côté de la Résistance danoise en 1943 et en pleine fin de la Seconde Guerre Mondiale … Vous avez peur de ce mélange détonnant ? Découvrez Niels, publié aux éditions Viviane Hamy sans attendre. Avant ça, la chronique Lettres it be sur le quatrième livre publié par Alexis Ragougneau vous attend.
# La bande-annonce
« - Tes allers-retours entre la vie et la mort tu vas les faire encore longtemps ?
- Le temps qu’il faudra. Pourquoi ? Tu te fais du souci pour moi ?
- Tu es juive, n’est-ce pas ? C’est insensé, tu sais ce qu’ils te feront s’ils te prennent ?
- Je n’ai pas peur. À Copenhague, je suis chez moi. Ce sont eux les envahisseurs. »
Danemark 1943, Niels Rasmussen rencontre Sarah à la rousse chevelure. Il rejoint alors la Résistance et devient le saboteur de génie qui remodèle la ville occupée à coups d’explosifs. Quand le conflit mondial s’achève, Sarah attend un enfant et les héros sont prêts à recueillir leurs lauriers. Pourtant, une page du Parisien Libéré glissée dans un courrier anonyme va infléchir le destin. Dans la rubrique “Épuration” Niels lit :
C’est le 7 mai que le dramaturge Jean-François Canonnier, actuellement détenu à Fresnes, passera devant la Cour de justice de la Seine. Il sera défendu par maître Bianchi.
Éperdu d’incompréhension et pour sauver son « frère de cœur », il entreprend une odyssée qui fera vaciller toutes ses certitudes quant à l’héroïsme, la lâcheté, la Résistance et la collaboration.
Roman d’aventures, enquête introspective, Niels fait fi des genres littéraires et nous soumet à la question : Et vous, qu’auriez-vous fait ?
# L’avis de Lettres it be
Comme dit précédemment, c’est abord pour les planches qu’Alexis Ragougneau destina sa plume. Auteur de nombreuses pièces de théâtre dont certaines à succès, l’auteur français déboule ici avec son quatrième roman, un petit OVNI proclamé chef-d’œuvre par la critique. Débutant du côté du Danemark au côté de Niels Rasmussen, résistant local, l’histoire va ensuite se déplacer jusqu’en France où notre protagoniste retrouvera sous les barreaux un vieil ami théâtreux inculpé pour intelligence appuyée avec l’ennemi. De quoi se poser de sérieuses questions …
L’intensité d’un film, le niveau de détail d’une pièce de théâtre, la vivacité d’un roman … Protéiforme. Niels est un roman résolument protéiforme. Changeant de mode d’écriture au gré des chapitres, ce roman est inqualifiable sur le fond tant il aborde plusieurs aspects, dansant du théâtre au roman jusqu’à passer par l’introspection des mœurs quasi-fabuliste. Sur la forme, l’écriture est dense, vivace, terriblement efficace et captivante. L’exercice d’écriture est osé, rare et périlleux, et Alexis Ragougneau s’en sort haut la main.
Ce livre est un mirage. On croit lire un roman, on lit en fait une pièce de théâtre. On se convainc qu’il s’agit d’une pièce de théâtre, on lit en fait un essai sur la responsabilité. On se persuade de lire un essai, on découvre une fable sur l’amitié. Alexis Ragougneau emmène le lecteur dans des territoires perdus de la littérature qu’il aurait été atroce de ne plus découvrir. Et vous, qu’auriez-vous fait ? Une question qui résonne comme jamais dans la tête du lecteur, en évitant l’écueil de la moralisation discount façon Lidl. Quel bonheur de lecture. Alexis Ragougneau met son talent sur la table et c’est diablement efficace. Qu’importe le Goncourt, pourvu qu’on goûte l’audace !
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