Premier roman sorti le 17 janvier 2019 du côté des éditions Viviane Hamy, Saltimbanques est l’occasion de découvrir la plume et la langue de François Pieretti. Dans ce livre, l’auteur expose une histoire de fraternité éclatée, explosée, à reconstituer. Quand il faut apprendre à jongler avec tous les éléments que la vie met entre nos mains. Comme des Saltimbanques.
# La bande-annonce
« Plusieurs années auparavant, j’avais suivi mon père sur un long trajet, vers Clermont-Ferrand. Parfois il me laissait tenir le volant sur les quatre voies vides du Sud-Ouest, de longs parcours, la lande entrecoupée seulement de scieries et de garages désolés, au loin. Je conduisais de la main gauche, ma mère ne savait pas que j’étais monté devant. C’était irresponsable de sa part, mais la transgression alliée à l’excitation de la route me donnait l’impression d’être adulte, pour quelques kilomètres. Mon père en profitait pour se rouler de fines cigarettes qu’il tenait entre le pouce, l’index et le majeur. Sa langue passait deux fois sur la mince bande de colle. Il venait d’une génération qui ne s’arrêtait pas toutes les deux heures pour faire des pauses et voyageait souvent de nuit. J’avais un jour vu le comparatif d’un crash-test entre deux voitures, l’une datant des années quatre-vingt-dix et l’autre actuelle. Mon frère et sa vieille Renault n’avaient eu aucune chance. »
# L'avis de Lettres it be
Nathan a vu son frère dévier de sa trajectoire, disparaître d’un jour à l’autre sans laisser les traces nécessaires pour le suivre. Gabriel, ce frère recherché, est très vite allé fréquenter d’autres sphères, d’autres lieux, d’autres personnes. C’est précisément le point de départ de cette quête présentée sous la plume de François Pieretti dans son tout premier roman, Saltimbanques. Et à partir de cela, le jeune auteur tisse un roman plutôt bien mené, déjà assuré, dans un style sans précipitation.
Au-delà d’un roman de recherche, d’une histoire de quête somme toute classique, François Pieretti enveloppe son texte d’intéressantes idées maîtresses. La voiture est un personnage au centre de ce roman. De route en route, de déplacement en déplacement, passant là par une station-service, là-bas par une route miteuse, François Pieretti met l’automobile au cœur de Saltimbanques. Plus largement, c’est toute la notion de déplacement qui trouve sa place dans ce roman. Déplacement d’une vie à une autre, d’une ville à une autre, d’un monde à un autre. Dans cette quête fraternelle, le lecteur multiplie les déplacements, dans plusieurs dimensions, plusieurs espaces.
Alangui mais jamais ennuyant, Saltimbanques transpire les inspirations de François Pieretti. Pour son premier roman, le jeune auteur né en 1991 pioche simultanément du côté de Modiano, Gracq et Auster. Et tout ça se ressent bien dans une plume alerte, mais qui manquerait presque encore un peu d’allant, de grogne. Toujours est-il que Saltimbanques séduit avec cette quête fraternelle bien éloignée des modèles tristement célèbres ces temps-ci. Le mythe des frères forts, seuls contre tous, en route pour la fin d’un monde déchu s’écroule ici. François Pieretti dépeint à la place cette fraternité éclatée, aux aspirations différentes, aux choix opposés. Jusqu’à la mort.
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