La mer
de John Banville
John Banville, auteur irlandais ayant vagabondé dans bon nombre de pays de par son travail d’un temps mais aussi sa ferme volonté de découvrir le chant du monde, cet auteur également scénariste pour le grand écran et journaliste de surcroît, délivre avec « La mer » un récit qui fait vibrer le passé. Un récit bien mené, aux allures de poésie alanguie et qui fait resurgir à la surface le passé dans la vie de Max, un personnage éperdument amoureux de sa femme disparue des suites d’une maladie. Quand le passé cogne en vous. Bouleversant.
// « Ici, au bord de la mer, le silence a une qualité particulière, la nuit. Je ne sais pas si j’y suis pour quelque chose, je veux dire si c’est moi qui influe ainsi sur le silence de ma chambre et de toute la maison ou bien s’il s’agit d’un effet circonscrit, dû au sel dans l‘atmosphère, peut-être, ou au climat de la côte en général. » //
# La bande-annonce
(Quatrième de couverture) : Après la mort de sa femme, Max se réfugie dans le petit village du bord de mer où, enfant, il vécut l’été qui allait façonner le reste de son existence. Assailli par le chagrin, la colère, la douleur de la vie sans Anna, Max va comprendre ce qui s’est vraiment produit, cet été-là. Comprendre pourquoi « le passé cogne en lui, comme un second cœur ».
# L’avis de Lettres it be
Des entremêlements de phrases parfois courtes, parfois longues, des images qui dansent avec les mots pour illustrer des moments vécus et disparus à jamais … Banville délivre ici le roman du regret, un regret inaliénable que pourchasse malgré tout Max en revenant dans la villégiature de son enfance, cinquante ans plus tard. Narrant les passages qui ont marqué cette tendre enfance, toujours au bord de la mer, dans ce petit village ayant toujours abrité les mêmes tristes sires, Max court après les vagues de sa vie qui emporte, roulis après roulis, le moindre souvenir. Ici, le récit est scindé entre deux époques, deux moments de vie, mais pourtant un seul narrateur, un seul personnage. Banville réussit à s’affranchir de toutes les interprétations fades que pourrait apporter une étude psychanalytique du récit. Le personnage central qui occupe les pages de ce roman ne poursuit rien que le regret d’un passé qu’il cherche à comprendre, à deviner à travers ses actes, ses tourments, ses quelques instants qui ont changé tout le reste de son existence.
Récompensé par le célèbre Booker Prize en 2005 pour ce même roman, l’histoire personnelle de John Banville arbore des similitudes intéressantes d’avec le personnage né sous sa plume. Banville, fils d’un garagiste irlandais, nourrit d’abord l’espoir de devenir peintre ou architecte. Faute de poursuivre ses études, il embarquera à bord des avions de la compagnie Aer Lingus où il travaillera durant de longues années. S’installant momentanément aux Etats-Unis, Banville reviendra dans le pays de Joyce en 1969 afin de commencer à écrire. Ses premiers recueils de nouvelles seront pour lui des échecs retentissants qu’il cherchera à gommer et améliorer sans cesse. Un goût de regret permanent que l’on retrouve dans les romans de l’auteur irlandais, qu’il s’agisse de « La Mer » mais aussi de « Infinis » ou encore « La lumière des étoiles mortes ».
En somme, « La Mer » est le roman d’un passé révolu, de ce vieux tigre du vécu, tapi dans l’ombre et suffisamment vif pour vous reprendre aux entrailles, des années plus tard. De l’enfant que nous avons été à l’adulte de maintenant, nous nourrissons sans cesse le feu du regret sans jamais connaître les causes qui ont allumé ce brasier.
// « Et en effet il ne s’était rien passé, juste un formidable rien, juste un autre haussement d’épaules indifférent du vaste monde.
Puis une infirmière est venue me chercher, je me suis tourné et l’ai suivie à l’intérieur, et j’ai eu l’impression d’entrer dans la mer. » //
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