"Les enfants de Venise" de Luca di Fulvio : de l'art du roman-monde

Nous avions quitté Luca di Fulvio avec « Le gang des rêves », ce livre dans la plus pure tradition du roman américain, véritable mise sur papier d’un film à la Scorsese. Intense, haletant, poignant par endroit … Cette recette semble avoir été appliquée pour la seconde fois avec « Les enfants de Venise ». Alors, une confirmation pour Luca di Fulvio ?

 

// "L'amour nourrit et engraisse. La haine consume et creuse. L'amour enrichit, la haine soustrait." //


# La bande-annonce

 

« Quand Mercurio s’était jeté dans le canal, Giuditta avait eu la tentation de le retenir. Ou de s’y jeter avec lui. Elle ne voulait pas renoncer à la sensation de sa main dans la sienne. Elle ne voulait pas renoncer à lui. Déjà, les nuits précédentes, dans le chariot, elle avait senti une forte attraction pour les yeux de cet étrange garçon. Qui était-il ? Il n’était pas prêtre, il le lui avait avoué. Quels mots avait-il dits en sautant du bateau ? Elle se souvenait à peine. Sa tête se faisait légère. “Je te retrouverai”, voilà ce qu’il avait dit. »

 

 

La misère radieuse d’une bande d’enfants perdus, la fille secrète d’un médecin sans diplômes, la découverte de l’amour, l’or, le sang, la boue, l’honneur… pour son nouveau roman, Luca Di Fulvio vous emporte à Venise.


# L’avis de Lettres it be

 

 

Cette fois-ci, Luca di Fulvio nous emmène dans le temps, du côté de l’Italie du XVIème siècle. D’abord à Rome, puis à Venise, ce roman s’étale dans une société où règne (déjà) des différends religieux terriblement ancrés. Mercurio et toute sa troupe de joyeux drilles seront donc du voyage, au cœur d’un roman qui impressionne déjà par son volume physique.

 

// " Rappelle-toi : dans notre monde, la vérité est celle qu'écrivent les puissants. En soi, elle n'existe pas." //

 

Autant le dire très vite : Mercurio est ici le Christmas du « Gang des rêves ». A vrai dire, Luca di Fulvio ne cache pas cette linéarité entre ses livres (il annonce un triptyque donc « Les enfants de Venise » serait le deuxième tome). Ainsi, on retrouve une mécanique assez connue sous la plume de l’auteur italien : le méchant marchand juif Shimon Baruch, fil rouge démoniaque du roman, les différentes passades amoureuses éparpillées ci-et-là qui entretiennent un mystère savamment construit … On pourrait reprocher aux « Enfants de Venise » de n’être qu’une resucée  de l’immense « Gang des rêves », une simple transposition à une autre époque, un autre endroit. Et pourtant …

 

Oui, et pourtant. Quel livre ! Malgré la ressemblance d’avec son précédent ouvrage, Luca di Fulvio nous embarque dans sa gondole, dont le gondolier n’est autre qu’une plume alerte qui guide sur la voie du plaisir de lire. Un trajet presque sans escales, ininterrompu. Un roman passionnant, qui met en lumière toute une époque, tout un pays, toute une tension sociale inhérente à cet âge-là. Mercurio est tantôt l’antihéros lâche et vagabond, tantôt le sire prêt à tout pour ses dames (Anna, Benedetta et autres). On notera d’ailleurs cette figure féminine multi-face mais qui illumine en permanence le roman : cela faisait longtemps que l’on n’avait pas retrouvé des personnages littéraires féminins aussi puissants quoique discrets.

 

 

« Les enfants de Venise » confirme l’allégresse d’une plume qui se muscle, qui s’enrichit, qui s’étoffe. Nul doute que Luca di Fulvio soit en train de s’imposer comme l’un des nouveaux grands auteurs de notre temps.

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