Replay
de Ken Grimwood
Et si tout était tout le temps à refaire ? Et si vous pouviez profiter de votre expérience du présent pour rebâtir votre passé ? C’est le postulat central de « Replay », roman de Ken Grimwood primé par le World Fantasy Award en 1988. Une véritable promesse à la lecture de la quatrième de couverture. Promesse tenue ?
// "Le seul véritable échec, et le plus douloureux, aurait été de ne prendre aucun risque." //
# La bande-annonce
C’est durant sa quarante-troisième année que Jeff Winston, directeur d’une petite radio locale plutôt miteuse, décède brutalement laissant sa femme et cet enfant espéré. Jeff abandonne un mariage qui part à la dérive et tous les rêves de reconstruction de son épouse esseulée sur les rives de la vie. Et pourtant, après s’être senti disparaître, emporté par un ultime arrêt du palpitant, Jeff rouvre les yeux, dans sa chambre d’adolescent. Il a 18 ans.
La vie de Jeff redémarre à partir de cet âge charnière, sans aucun changement, sans aucun bouleversement. Tout est à refaire, tout est à reconstruire à la lumière de l’expérience acquise dans sa vie d’avant. Et vous, qu’auriez-vous fait ?
# L’avis de Lettres it Be !
De toute évidence, le postulat de ce « Replay » est plein de promesses, plein de bons espoirs qui n’attendent que de se concrétiser. Les questionnements sur la vie ont toujours été des thèmes appréciés par les artisans livresques. Il suffit de se remémorer l’excellente nouvelle « L’Etrange Histoire de Benjamin Button » du non moins excellent Francis Scott Fiztgerald. L’âge, le cheminement de la vie, l’inversement des flux … Comme pour l’aboutissement d’une bonne recette, force était de constater que les meilleurs ingrédients étaient réunis dans ce « Replay ».
// « Ah ! Savoir que l'on peut revenir et changer les choses, les rendre meilleures… Mais nous ne l'avons pas fait, n'est-ce pas ? Nous les avons seulement rendues différentes. » //
Publié en 1986, il est vrai que ce livre commence à dater, mais comme aime à répéter l’illustre Geneviève de Fontenay : « C’est toujours dans les vieux pots que l’on fait les meilleures soupes ». L’histoire est rondement menée, elle tient en haleine malgré des procédés d’écriture que d’aucuns jugeront simplistes mais non moins efficaces. Après, il est quand même grand temps d’avouer quelque chose : le personnage central de « Replay », Jeff, c’est vrai, est aussi déluré que Vianney et ses chansons pour adolescentes peinturlurées en quête du premier émoi. Jeff est globalement aussi excitant que l’assassinat d’une sole à coups de tong. Pourtant, on se surprend à apprécier ce personnage, à se mêler à ses péripéties et à s’imaginer dans ses apparats.
Mais au-delà de l’histoire du roman qui, comme nous le disions, est efficace malgré une simplicité qui peut tout à faire rebuter, c’est la figure de l’auteur qui interroge dans ce roman. Ken Grimwood est un « monsieur-tout-le-monde », directeur d’une radio d’information (tiens donc, ne serait-ce pas la profession de Jeff ?) qui offre là un roman qu’il a souvent caractérisé de « fantasy », un style qui permet un détachement complet du réel. Cependant, on ressent tout au long de la lecture du roman, une projection évidente de l’auteur vers son personnage, une volonté qui s’effeuille au fil des pages de montrer ce qu’un Ken Grimwood revenu dans le passé aurait pu faire. Le style « fantasy », ici, s’habille de cette douce impression du rapport jalousement entretenu entre l’auteur et son personnage.
"Le lecteur peut être considéré comme le personnage principal du roman, à égalité avec l’auteur, sans lui, rien ne se fait."
Elsa Triolet (1896-1970)
Comme pour une excellente étreinte charnelle, un bon livre se referme avec l’agréable sensation du plaisir qui disparaît, de l’extase qui s’évanouit quand se ferment les pages, quand se ferment les cuisses. « Replay » offre ce doux ravissement sans aucune prétention. Ken Grimwood est de ces auteurs qui réussissent un coup d’éclat unique, un délice littéral éphémère que l’on se passe de main en main avec cette douce phrase que l’on a tous un jour entendue « Tu verras, ça devrait te plaire … »
Et vous, qu’auriez-vous fait ?
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