Après Toutes blessent, la dernière tue l’année dernière, après D’ombre et de silence, recueil de nouvelles sorti en 2017, on attendait de pied ferme le nouveau livre de Karine Giebel. L’auteure revient avec Ce que tu as fait de moi, encore une sombre histoire à la croisée des genres. Encore une franche réussite ? Rien n’est moins sûr !
# La bande-annonce
Personne n’est assez fort pour la vivre.
Personne n’est préparé à l’affronter, même si chacun la désire plus que tout.
La passion, la vraie…
Extrême.
Sans limites.
Sans règles.
On se croit solide et fort, on se croit à l’abri. On suit un chemin jalonné de repères, pavé de souvenirs et de projets. On aperçoit bien le ravin sans fond qui borde notre route, mais on pourrait jurer que jamais on n’y tombera. Pourtant, il suffit d’un seul faux pas. Et c’est l’interminable chute.
Aujourd’hui encore, je suis incapable d’expliquer ce qui est arrivé. Si seulement j'avais plongé seul...
Cette nuit, c’est le patron des Stups, le commandant Richard Ménainville, qui doit confesser son addiction et répondre de ses actes dans une salle d’interrogatoire. Que s’est-il réellement passé entre lui et son lieutenant Laëtitia Graminsky ? Comment un coup de foudre a-t-il pu déclencher une telle tragédie ?
Si nous résistons à cette passion, elle nous achèvera l’un après l’autre, sans aucune pitié.
Interrogée au même moment dans la salle voisine, Laëtitia se livre. Elle dira tout de ce qu’elle a vécu avec cet homme. Leurs versions des faits seront-elles identiques ?
Si nous ne cédons pas à cette passion, elle fera de nous des ombres gelées d’effroi et de solitude.
Si nous avons peur des flammes, nous succomberons à un hiver sans fin.
# L’avis de Lettres it be
Livre après livre, Karine Giebel avait réussi à gagner une place certaine dans notre cœur de lecteur chez Lettres it be. Ses nouvelles, ses romans : tout sonne trop juste pour être parfait. Il doit bien y avoir une faille. De nature pessimiste, nous pensions que ce nouveau livre, à la quatrième de couverture évocatrice d’un changement manifeste dans le(s) genre(s) retenu(s), allait rater la cible. Personne n’est parfait. Alors on s’est plongé dans Ce que tu as fait de moi.
Une ouverture nébuleuse, mystérieuse puis, très vite, la mise en place d’une histoire au contexte limpide : jusqu’où peut aller la passion ? Il y a Laëtitia Graminsky, son commandant Richard Ménainville, il y a quelques autres personnages encore, très peu finalement. Une histoire d’amour entre deux personnages, en couple chacun de leur côté. Une banale histoire, de cul peut-être même. Tout ça dans un huis-clos étendu à l’échelle d’une ville inconnue. Le roman s’ouvre sur une sombre scène, qui a fait quoi, pourquoi ? Et chaque chapitre de se faire pièce supplémentaire du puzzle, par des voix différentes, des souvenirs discordants…
Il y a une femme qui subit le mâle, il y a ces questions sur le partage de la responsabilité, il y a ces sentiments ambivalents, « Et si j’avais aimé ça ? ». Très vite, tout se brouille, comme un caillou lancé dans une flaque : qu’est-ce que Karine Giebel cherche à nous raconter ? Sommes-nous dans un roman policier, une histoire d’amour, un roman noir somme toute classique ? Pire : nous sommes dans tout cela à la fois, et ça va durer le temps de plusieurs centaines de pages…
On ne vous en dira pas plus. Seulement, sachez que les souvenirs de cette lecture crépitent encore dans la tête.
Sans surprise, sauf celle de voir une auteure réussir une fois encore un tel coup de maître, Karine Giebel propose un roman noir maîtrisé, juste de part en part, parfait dans la retranscription des sombres et lumineux rouages de l’âme humaine. L’auteure aborde frontalement des questions fortes de l’époque : le consentement sexuel, l’ambivalence des sentiments, la charge de la responsabilité. Mais là où les bâtonniers des réseaux sociaux s’écharpent à n’y voir qu’un conflit du bien contre le mal, Karine Giebel remet au centre du jeu la complexité de l’humain, la complexité de tout acte. Le fil de l’histoire est tendu au possible, angoissant tant tout semble pouvoir exploser à chaque ligne et faire retomber le fragile équilibre construit page après page. Pourtant, tout se tient, magnifiquement, c’est prenant, c’est déchirant, jusqu’au bout.
On n’aime pas trop s’enliser dans les éloges en permanence face à un écrivain. Mais avec Karine Giebel, et quelques rares autres, il faut se rendre à l’évidence : la littérature est belle quand elle est maniée de la sorte. Tu lis, tu fermes le livre et les mots défilent encore à l’esprit.
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