Remis lors de Livre Paris 2019, le Prix Matmut vise à récompenser un manuscrit et à lui offrir sa publication ainsi qu’un chèque de 2000 euros. Cette belle initiative a récompensé en 2019 J’ai d’abord tué le chien, le premier livre du journaliste Philippe Laidebeur, désormais publié aux éditions Denoël. Lettres it be l’a lu, et vous en dit deux, trois choses.
# La bande-annonce
Il est SDF, clodo, sans abri. Un échec sentimental, un désastre professionnel, et le voilà dans la rue. Il y vit depuis dix ans. Et touchera bientôt le fond de sa descente aux enfers. Vagabond solitaire, il gère son quotidien en évitant les pièges que lui tend la jungle urbaine.
C’est tout du moins ce qu’il croit. Une nuit, pour une banale histoire de planches volées, il égorge un vigile et son chien. Il le fait machinalement, sans la moindre émotion. Ce sera le premier meurtre d’une longue série. Tuer pour ne pas être tué, sa vie est aussi primitive que cela.
Un jour, il élimine un homme qui lui ressemble de façon étonnante et, tout naturellement, il prend sa place. Il usurpe l’identité d’un étrange et riche inconnu.
Porte de sortie inattendue ? Chance ultime ou erreur fatale ? Peut-on entrer dans la peau d’un autre sans prendre le risque de voir un passé sulfureux rattraper un présent chaotique ? Sans payer le prix du sang ?
La vidéo du moment
# L’avis de Lettres it be
« Je viens de tuer un homme. C’est une chose que je n’avais encore jamais faite. » C’est avec ces mots que Philippe Laidebeur, journaliste et désormais primo-romancier, débute J’ai d’abord tué le chien. Des premiers mots à la hauteur de la promesse faite par un titre plus qu’accrocheur, sans être putassier. Et les premiers chapitres tiennent la dragée haute : on suit les pas plutôt macabres d’un SDF, son quotidien, son récit de la vie dans la rue. Même si on reste loin du brillant Vies déposées de Tom-Louis Teboul dont Lettres it be vous parlait il y a quelques mois, ce récit du quotidien d’un clochard est prenant, fort, incisif. Mais qui peut bien être ce clochard d’ailleurs, dont nous suivons les traces ? Comme réponse à cette question se met en place le cœur du roman…
Un meurtre plutôt sombre, puis un autre, puis une usurpation d’identité. Les pièces du puzzle se mettent en place dans J’ai d’abord tué le chien sans coup férir, sans attente inutile. Le style est enlevé, prompt, rapide. Même si la plume manque encore d’allant, Philippe Laidebeur maintient la tension pendant la grande première moitié de son livre. Mais une fois que le tout est bien en place et qu’on semble se diriger vers le grand final, le soufflé retombe…
Cette usurpation d’identité, point-clé du roman noir sans vous en dire davantage, est plutôt bien sentie. Il y a un peu de Kafka, façon Le Procès, sauf que cette fois l’accusé est coupable. Enfin, il semblerait… Toujours est-il qu’une fois posée cette condition narrative dans l’histoire, le livre n’avance plus trop, empruntant des chemins tortueux pour arriver à son terme. Les idées ne vont pas au bout, on sent bien que l’auteur avait d’autres choses derrière la tête. Mais manuscrit oblige, le risque d’aller plus loin était trop grand. Enfin, c’est notre interprétation.
Le quotidien d’un SDF en France, la question de l’identité, la traque des fuyards politiques argentins… On frôle le trop-plein dans ce premier roman de Philippe Laidebeur. Ce roman noir est ambitieux, mais veut peut-être trop dire d’un coup, trop pour les quelques 190 pages à peine qui le composent. L’écrin n’est pas à la taille des envies, et il en ressort une impression de manque, manque de consistance, un manque sur ces thématiques qui ne sont pas poussées jusqu’au bout. Mais nul doute qu’au prochain coup, sans crainte de cet « effet manuscrit », l’auteur saura nous surprendre et aller au bout de ses idées. Pour de bon.
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