Territoires
de Olivier Norek
Une banlieue parisienne qui se la joue Jeanne d’Arc et qui menace de s’enflammer à tout moment, trois barons de la drogue qui fleurent bon le ter-ter et qui se font éparpiller façon puzzle, des élus qui fricotent avec le côté obscur … Après « Code 93 », Olivier Norek déboule avec « Territoires » et c’est dire si ça fait mal !
# La bande-annonce
Victor Coste, capitaine au Service Départemental de Police Judiciaire du 9-3 pense pouvoir couler des jours paisibles après la résolution d’une affaire plus que compliquée (voire « Code 93 », le précédent livre de Sieur Norek). Mais ce qui va bientôt couler, c’est le sang sur les trottoirs de Malceny, banlieue sensible de Seine Saint-Denis, poudrière saveur « street ».
// « Le job de dealer, c’est comme celui de footballeur, les carrières sont courtes et il faut assurer l’après. Passer nos journées assis dans un coin de hall à écouler notre came, barrette après barrette, gramme après gramme, vous pensez vraiment que c’est notre but ? » //
Trois caïds sont assassinés, trois dealers en chef fraîchement promus, trois jeunes régnant sur un territoire pas plus grand que leur espérance de vie. Qui est derrière ce massacre en règle ? Qui en veut aux barons locaux façon « En bas des blocs » ? L’enquête démarre avec ces quelques questions, mais elle s’enchaîne très vite avec la découverte de pains de cocaïne cachés chez des retraités et la mise au grand jour de relations en eaux troubles du côté des administrés du coin …
C’est avec une équipe plus soudée que jamais que le capitaine Victor Coste va mener l’enquête au cœur d’une banlieue en proie à la guérilla. Entre assassinats crades et jeux de dupes en col blanc, Coste n’est pas au bout de ses surprises.
# L’avis de Lettres it Be !
Après un « Code 93 » qui avait impressionné de nombreux lecteurs, Olivier Norek continue son arrivée en fanfare dans le cercle fermé des spécialistes du thriller à la française. L’auteur toulousain, lieutenant en activité au sein de la SDPJ du 93, livre là un récit qui fait sortir l’enquêteur romanesque d’un cadre bien trop souvent policé. Victor Coste est, sous les traits acérés de Norek, un lieutenant de police sans commune mesure avec ses semblables. Il est très loin du Navarro de la petite lucarne, le policier G.O Club Med de Djerba, et tout aussi éloigné du Horatio Caine des Experts qui retrouve sereinement l’assassin d’une veuve pleine aux as à l’aide d’un relevé d’empreintes anales laissées sur un emballage de barre chocolatée.
// « C’est le drame de nos vies, on consacre nos journées et nos nuits à aider de parfaits étrangers sans être capables de faire attention à ceux qui nous sont proches. » //
« Territoires » suinte le vécu, il transpire la vie en uniforme et le brassard orange criard. Au travers des pages qui se tournent, le lecteur met ses pieds dans les bureaux de police, au milieu des dossiers de viol, de pédophilie et de plaintes pour tapage nocturne abusif. Il se confronte à la vie de ces agents de la paix qu’on ne fréquente plus que dans les reportages tronqués. Coste et toute son équipe reflètent le paradoxe de ces policiers qui, confrontés au pire, s’accrochent encore ponctuellement au rire. Un rire parfois froid, glaçant, qui vient rajouter cette petite étincelle au milieu de l’atroce. Par moment, on ne peut s’empêcher de penser au brillant « Polisse » de Maïwenn, un bijou film-reportage en immersion au sein de la Brigade de Protection des Mineurs, la plume brillante de Norek en plus, la non moins brillante prestation de JoeyStarr en moins.
De toute évidence, « Territoire » n’est pas qu’un thriller rondement mené. Il s’inscrit dans ces témoignages peut-être non assumés mais qui dépeignent sous tous ses traits notre société. Tout le monde en prend pour son grade : des élus véreux aux petites crasses de banlieue qui vivotent en arborant fièrement les couleurs de leur survêtement du Bayern de Munich, des « baveux » abusés par les enjeux aux médias survolant les carcasses futures d’une cité au bord de l’implosion. Norek recrache tout ça, toute son expérience, tout son désarroi et ce qui contribue à faire encore sa joie dans des pages et un ouvrage que l’on n’arrive plus à lâcher.
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