Une première question tout à fait bateau mais terriblement intéressante : pourquoi vous êtes-vous tourné vers l’écriture en parallèle à votre profession dans la police ?
C’est plutôt l’écriture qui m’est tombée dessus … J’ai participé pour la première fois de ma vie à un concours de nouvelles en 2012 et je me suis retrouvé face à un jury composé des gens du monde de l’édition, entre autres. Ils ignoraient que j’étais lieutenant de police dans le 93 et après lecture de ma nouvelle, on m’a proposé d’écrire un texte sur le quotidien des flics dans le 93 … Après quelques essais divers, je commençais donc à écrire Code 93, mon premier roman…
De fait, vos romans transpirent le vécu, une force rare dans le monde du thriller. Est-ce l’exutoire que vous avez trouvé pour raconter et extérioriser tout ce que vous pouvez vivre dans le cadre de votre profession ?
Pas d’exutoire nécessaire car j’ai toujours réussi, dans l’ensemble, à faire la part du pro et du perso. De plus je m’étais déjà fait une carapace au cours de mes missions humanitaires à travers le monde. Faire trois pas en arrière et se dire que ce n’est pas notre histoire, ce n’est pas notre peine … Les flics sont juste un outil d’enquête et non pas le réceptacle de la misère humaine.
A l’inverse, quand vous écrivez, préférez-vous être lu en tant que flic ou qu’auteur lambda ?
Je pense que l’auteur passe après son histoire. J’espère que l’on oublie l’auteur après la page 3 et que l’on ne se concentre que sur le roman. Alors flic ou auteur, tant que vous appréciez, ça me convient.
Reprocheriez-vous aux auteurs de romans policier n’ayant pas votre vécu d’édulcorer les faits ou alors de les exagérer ? Pensez-vous qu’un ancrage d’avec la réalité soit indispensable pour écrire un bon thriller ?
Le roman policier est un style qui appartient à tout le monde. Il y a des romans policiers de psy, des romans policiers uniquement axés sur l’action, d’autres sur les personnages … Il suffit de savoir dans quelle catégorie on se trouve et ne pas faire semblant d’être autre chose. Je suis fan de Vargas pour son personnage d’Adamsberg toujours dans les étoiles et qui ferait, en fait, un très mauvais policier. Je suis fan des personnages et des twists de Claire Favan ou encore fan des romans de Barbara Abel où la tension psychologique vous étouffe … et aucune d’entre elles n’est flic.
Pensez-vous que l’aspect romancé de vos thrillers, et malgré votre image de flic qui vous colle à la plume, vous écarte des qualificatifs négatifs que l’on peut adresser à d’autres auteurs qui veulent aussi faire écho à cette violence dans les banlieues françaises (Obertone, Zemmour, Guilluy & co) ?
J’évite ces écueils de manière assez simple car je ne prends jamais position tout en laissant une part à tous les acteurs. Dans « Territoires » il y a autant la place pour les personnages de délinquants, ceux de flics et les politiques … C’est au lecteur, fort de toutes ces informations, de se faire une opinion.
Dans vos livres, et tout particulièrement dans Territoires, vous mettez en lumière des zones d’ombre, ces relations enfouies entre nos représentants politiques et les délinquants locaux. Est-ce un moyen pour vous de dénoncer cela, ce à quoi vous êtes confronté dans votre vie de tous les jours et qui reste un secret bien gardé ?
Tous mes livres ont une base identique : dénoncer un fait social qui m’a heurté ou qui a freiné mon travail de policier. Code 93 parle des trafics, des chiffres de la criminalité. Territoires, dénonce les collusions entre politique et délinquance. Surtensions évoque la situation du milieu carcéral et de la pauvreté de la Justice. Entre deux Mondes, qui sort le 5 octobre, parle de la Jungle de Calais et de la manière dont on a accueilli des gens qui fuyaient un pays en guerre. Un livre, un coup de gueule.
Votre prochain livre ne verra pas le grand retour du capitaine Victor Coste. Un besoin de vous éloigner un peu d’un personnage devenu trop envahissant ?
Seulement la peur de me cantonner au rôle d’auteur « du 93 »… La crainte d’être mis dans une case et de ne plus pouvoir en sortir. Mais aussi, le désir d’aborder un sujet qui me touche énormément : la Jungle de Calais, ce camp de réfugiés abandonné de tous, alors que je suis petit fils de migrant moi même.
La question ultime : plutôt être un bon flic ou être un bon écrivain ?
Je la poserais différemment. Qu’est ce qui peut faire le plus de mal ? Un mauvais écrivain ou un mauvais flic ? Je choisirais d’être un bon flic, c’est peut être plus utile.
Des questions un peu plus légères pour en savoir plus sur Olivier Norek l’homme et Olivier Norek l’écrivain.
Le livre que vous aimez en secret ?
L’histoire sans Fin… et son dragon blanc.
Un livre dont vous ne comprenez pas le succès ?
Vous me demandez de critiquer un collègue, alors je passe.
Votre passion un peu honteuse ?
Aucune passion ne doit être honteuse et si je faisais du tricot, je le dirais ici. Je suis un homme très simple et sans trop de surprise. Au risque de vous décevoir, je place la bonne bouffe au delà de tous plaisirs …
Le livre que vous offririez à votre pire ennemi ?
Un livre n’est pas une punition … mais si la personne me déteste vraiment, alors évidemment, je lui offre les miens. En double. Et en audio aussi. Avec une photo dédicacée.
La première mesure du Président Norek ?
La protection juridique des lanceurs d’alerte et l’attaque frontale de l’évasion fiscale. Ensuite, considérant la lecture et toute forme d’art comme la meilleure manière de nous éloigner de la violence et de la bêtise, je proposerai aux prisons : un livre lu = un jour de moins en détention.
Stylo ou pistolet ?
Pistolet hier… Stylo aujourd’hui… et demain ?
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