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Amie lectrice, ami lecteur,
Je vous vois râler.
Oui, je vais encore vous parler (un peu) de l’affaire Matzneff mais vous pouvez être rassuré : ce n’est pas le cœur de ma lettre d’aujourd’hui.
Une fois n’est pas coutume, l’affaire Matzneff vient relancer des questions presque centenaires sur le rôle de la littérature en France.
Peut-on tout écrire et tout dire dans un ensemble de pages reliées entre elles, ce que l’on appelle plus communément et de façon bientôt désuète « un livre » ?
Matzneff aujourd’hui, Louis-Ferdinand Céline et Vladimir Nabokov hier, Victor Hugo avant-hier…
La littérature peut-elle se construire avec des pierres dont on déteste aujourd’hui l’apparence et le souvenir ?
Quelques éléments de réponse.
On demande des « vrais » juges à la barre
D’emblée, il faut se poser une question essentielle, une question de surface mais qui éclaire beaucoup le débat.
Qui lit vraiment les livres dont il est question dans les débats qui fleurissent sur les réseaux sociaux ?
Tout le monde s’enflamme, on s’engueule à grands coups de retweets et de hashtags, mais qui a lu les livres ?
Matzneff est un immonde pédophile et il l’a dit dans ses livres, Nabokov pas mieux, Céline est un affreux antisémite et il l’a écrit dans ses livres, etc.
Qui peut réellement en témoigner ?
Cette chasse aux sorcières, souvent justifiée, cache quand même le manque de scrupules des prédicateurs de la morale qui n’ont pas un échantillon sur eux en attaquant sur la base de preuves qu’ils n’ont pas en main.
Certains de ces textes sont sûrement abjects et difficilement acceptables.
Mais encore faut-il en avoir la certitude autrement qu’en relayant la dernière brève du moment…
C’est là un premier, mais important, point de réflexion.
Mais ce n’est pas tout.
La vraie réponse à cette question
Comme j’avais déjà pu le dire dans une autre lettre que vous avez peut-être lue, il y a une distinction primordiale.
De quoi la littérature est-elle le reflet ?
Quand Matzneff raconte ses relations pédophiles et quand Nabokov imagine la relation d’un adulte et d’une « nymphette », est-ce vraiment la même chose ?
On en vient à condamner tous les présumés coupables sous le sceau de la morale.
Et, par conséquent, à mettre tout le monde à égalité. Et, comme dans les mauvaises histoires, ça profite toujours aux scélérats.
Quand les actes suffisent à faire taire la présomption pour laisser émerger l’accusation, pourquoi s’embourber sur le terrain de la morale ?
Les témoignages sont là, les récits existent pour condamner Gabriel Matzneff. La morale n’est que le coup de grâce.
C’est un exemple. Parmi tant d’autres.
Oui, la littérature peut avoir sa place en prison.
Mais la littérature a sa place en prison seulement quand sa seule raison d’exister est d’exacerber des délits ou des crimes commis. Ou à commettre.
L’imagination n’est pas un crime. Et le crime, rarement une imagination.
On se retrouve bientôt,
Rémy de Lettres it be
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