Frédéric Aribit publie son deuxième roman, à nouveau chez Belfond, après Trois langues dans ma bouche. Ce dernier livre s’invite donc avec le titre Le mal des ardents. Enigmatique, n’est-ce pas ? Ce roman ne l’est pas moins, avec la plume de ce professeur ès-lettres dont le nom résonne de plus en plus fort dans ce paysage littéraire marqué par la rentrée encore toute fraîche. Une petite étincelle ? Lettres it be vous en dit plus.
# La bande-annonce
Une rencontre de hasard, dans Paris, entre le narrateur et Lou, jeune violoncelliste étrange et exaltée. Pendant quatre jours et quatre nuits, le narrateur suit les errances, les fulgurances, les caprices de Lou, sa musique, ses photographies et ses dessins, ce qui le lance, subjugué, à la poursuite de l'impossible qu'elle incarne. Prof de lycée, il jonglait jusqu'ici avec des cours désincarnés, des interros surprise et une vie personnelle éparpillée. Grâce à elle, il redécouvre l'incandescence portée à ses limites. Mais l'étrange devient inquiétant : Lou se gratte beaucoup, semble ne jamais dormir, s'embarque dans des délires parfois risqués… Un dernier concert, La Pathétique de Tchaïkovski, une étreinte fulgurante entre les deux amants, et Lou est prise d'une grande crise de convulsion. Elle est conduite à l'hôpital avant de sombrer dans le coma. Le diagnostic surprend tout le monde puisqu'il conduit à la boulangerie où elle achète son pain, infecté par l'ergot.
Bouleversé, le narrateur se lance dans une enquête sur les traces de ce mystérieux « mal des ardents » qu'on croyait disparu. Il découvre la longue et ahurissante histoire d'un petit champignon parasite aux propriétés hallucinogènes ayant provoqué, avec des symptômes spectaculaires, des hécatombes depuis l'Antiquité jusqu'au XXème siècle, avant le cas insensé de Lou. Il apprend l'histoire de Saint-Antoine, saint patron des ergotiques, il s'intéresse comme Arthur Miller au procès des sorcières de Salem. Et sa vie de basculer dans une urgence absolue, une fièvre qui n'arrête pas de brûler dans ce qu'on appelle l'art, si cher à Lou.
# L'avis de Lettres it be
Une rencontre fortuite, un baiser esquissé entre les sièges bariolés du métro parisien, un professeur qui s’entiche d’une musicienne aérienne … Le roman de Frédéric Aribit démarre comme ça. Juste comme ça. Une romance, dites-vous ? Un dérivé enjolivé de chick-lit ? Il n’en est rien. Le cadre se pose vite mais ne laisse même pas aux soupçons le temps de s’installer durablement. Cette plume visuelle et cinématographique qui s’arrête sur de brillantes descriptions du moment présent, ou du ressenti des personnages, cette plume-là emmène immédiatement le lecteur dans une aventure sentimentale originale et prenante.
Alors que Benedict Wells semblait faire revivre, dans La fin de la solitude, le personnage central de L’Attrape-cœurs de Salinger, Frédéric Aribit nous donne une fois de plus cette impression de régénération dans la littérature, cette impression de faire revivre les fétiches. Cette fois, c’est la Zazie de Zazie dans le métro qui semble reprendre vie sous la plume visuelle de l’enseignant en lettres, romancier pour la seconde fois. Lou est un personnage plein d’énigmes, de folie et de surprises, dont on fait la rencontre nulle part ailleurs que dans le métro. Une musicienne, artiste dans l’âme, qui vole plus qu’elle ne vit, qui vibre plus qu’elle n’évolue. Tout cela jusqu’à la finalité que l’on découvre page après page, comme le sceau lourd de la mort qui rôde.
Un homme (narrateur dont nous ne saurons jamais le nom), une femme (la belle Lou), soit la recette parfaite pour une romance détonante autour d’un parallèle avec l’ergot de seigle. Sur le papier, le cocktail paraît amère, et pourtant, Frédéric Aribit livre un bel exercice d’écriture et une jolie revisite de l’histoire d’amour où le noir final n’est jamais trop loin.
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Littérature & culture (mardi, 31 octobre 2017 17:14)
Un roman très agréable à lire !