"Mon Père" de Grégoire Delacourt : Grâce à Dieu, cardinal Barbarin, père Preynat... et Delacourt !

Mon Père est le nouveau roman de Grégoire Delacourt publié chez JC Lattès
Mon Père est le nouveau roman de Grégoire Delacourt publié chez JC Lattès

C’était un livre attendu : Mon Père de Grégoire Delacourt publié chez JC Lattès. Le hasard (ou pas ?) a voulu que le même jour sorte dans les salles obscures un film presque identique, Grâce à Dieu, le nouveau film de François Ozon. Le thème de ces deux œuvres : les scandales de pédophilie qui éclatent depuis trop longtemps au sein de l’Eglise. Lettres it be a lu ce livre et vous donne sa critique.


 

# La bande-annonce

 

 

« Ce monde ne sera guéri que lorsque les victimes seront nos Rois. »

 

Je me suis toujours demandé ce que je ferais si quelqu'un attentait à l'un de mes enfants. Quel père alors je serais. Quelle force, quelle faiblesse. Et tandis que je cherchais la réponse, une autre question a surgi : sommes-nous capables de protéger nos fils ? 

 

 

G.D.

 

 

# L'avis de Lettres it be

 

 

Avant même la catastrophe qui a touché la cathédrale Notre-Dame de Paris et en écho aux nombreuses affaires de pédophilie qui heurtent l’Eglise à travers le monde, Grégoire Delacourt revient avec un roman bien dans l’actualité et le temps présent. Comme dit dans l’introduction de cette nouvelle chronique, ce livre résonne d’autant plus qu’il est sorti le même jour que le dernier film de François Ozon, Grâce à Dieu, un film qui traitait exactement de la même thématique, s’appuyant peut-être plus sur un fait bien réel, celui de l’affaire Barbarin - Preynat. Grégoire Delacourt, pour sa part, fait plutôt le pari de la fiction, une fiction qui reste tout de même bien ancrée dans le connu et l’existant.

 


Grégoire Delacourt
Grégoire Delacourt

Une fois tous ces éléments de contexte bien posés, venons-en au texte. Après La Femme qui ne vieillissait pas publié en 2018 et le remarqué (et remarquable) Danser au bord de l’abîme en 2017, Grégoire Delacourt revient aux affaires avec un texte résolument plus grave, sombre. L’auteur questionne dans Mon Père le ressenti des pères face au désir d’enfant, face à la pédophilie. Plusieurs pères sont sondés, le père religieux, le père génétique, le père qui désire et le père qui refuse d’accepter ce désir. Et à partir de cette notion décortiquée, Grégoire Delacourt va tisser un roman relativement court, rapide. Et puissant.

 

 

« Je suis le fils de deux mille ans de honte. Deux mille ans de cendres sur le front, de cadavres sur le dos. Je suis l’enfant que l’on accueillera toujours, à qui l’on pardonnera toujours car, ici-bas, c’est la repentance qui compte et non l’abomination du crime ; et tant que je ne mordrai pas la main qui me bénit, je serai la brebis égarée, je serai le fils prodigue.

Je suis un fils de la subordination.

Je suis fil d’un peuple qui se tait, se frappe la poitrine en s’accusant de toutes les fautes et baisse la tête et regarder ses pieds pendant l’eucharistie ; je suis fils d’une errance, d’un peuple qui divague et se soumet sans cesse en échange d’une promesse terrifiante. La vie éternelle. »

 

 

La langue se fait tranchante, sans fard. Dans Mon Père, Grégoire Delacourt conserve cette langue juste qui a fait le succès de ses précédents livres mais en s’engageant cette fois dans une noirceur difficile parfois à encaisser. Cela parce que le thème traité est grave et résonne en nous. Ici, dans Mon Père, Grégoire Delacourt réussit véritablement le pari de s’engager dans les travées de ce thème sans l’emplir d’un pathos inutile ou d’un larmoiement trop abondant comme il peut être de coutume. On pense par exemple à Au feu de Dieu de l’auteur italien Walter Siti, un livre sorti en août 2017 et qui traitait cela d’une manière similaire, dure et franche. Delacourt va peut-être encore un peu plus loin et réussit le tour d’un force d’un roman complexe par son fond mais direct et réaliste par sa forme.

 

Même si on a pu le craindre par endroit, Grégoire Delacourt évite avec maîtrise et retenue les ponts faciles du « Tous pourris, tous pédophiles » qui se construisent facilement ces temps derniers pour tomber sur une Eglise catholique déjà bien mal en point. Delaunoy et Préaumont (les deux pères religieux dans le roman), incarnent chacun à leur manière une sombre facette de cette réalité sans pour autant les incarner toutes. Et l’auteur de bien le faire sentir : ces drames qui affectent l’Eglise et les familles catholiques, cette noirceur qui franchit les années ne saurait faire oublier la flamme de la foi, la lueur du spirituel. Lueur qu’il est d’autant plus urgent de protéger, dans toutes les confessions qui existent.

 

 

C’est un bon roman. Difficile de conclure autrement en tournant la dernière page de Mon Père. Grégoire Delacourt prouve si cela était encore nécessaire tous ses talents d’auteur dans un registre différent, nouveau et définitivement noir. Sans fioriture, sans exagération facile, sans tirer sur l’ambulance, l’auteur livre un texte douloureux qui résonne fortement en nous et en-dehors de nous.

 

 

 

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