Avant de se mettre définitivement à l’écriture, J. Bradford Hipps a longtemps été programmeur informatique. Un parcours original qui laisse présager de belles choses à l’approche de son tout premier roman traduit en France, L’Aventuriste publié chez Belfond. L’écrivain né aux Etats-Unis emmène ses lecteurs dans la vie de tous les jours d’une entreprise, Cyber, et d’un homme, Henry Hurt. Lettres it be est parti à l’aventure et vous en dit quelques mots.
# La bande-annonce
Henry Hurt, c'est vous, c'est moi. Le type normal, la trentaine, célibataire, petit propriétaire qui occupe un poste confortable dans une boîte d'informatique. Le collègue sympa qui paye le café, rit aux bonnes blagues et flirte avec Jane du marketing. Le commercial discret mais efficace, pas le requin mais celui à qui on peut confier une mission en toute tranquillité.
Mais comme vous, comme moi, Henry doute parfois. Il se demande si sa vie entière doit tourner autour de son job. S'il doit continuer de courir après cette augmentation qu'on lui promet depuis trop longtemps. S'il a seulement un avenir avec Jane du marketing.
Et puis, comme vous, comme moi, Henry retourne parfois dans sa famille. Il voit son père qui décline, sa sœur qui a dû sacrifier sa carrière. Il observe cette ville où il a grandi et se demande s'il ne serait pas temps de tout envoyer valser...
# L’avis de Lettres it be
Le monde de l’entreprise avait déjà été très bien dépeint, avec cynisme et ironie mordante, par Fabrice Pliskin dans Une histoire trop française paru chez Fayard pour la rentrée de septembre 2017. Un vrai petit coup de cœur du côté de Lettres it be. Difficile d’ailleurs de ne pas penser à ce roman, et à d’autres bien entendu, dès l’ouverture de L’Aventuriste. Mais, malheureusement, que ce soit dans la forme aussi bien que dans le fond, la lecture s’éloigne très vite du style brillant et hilarant de vérité de Pliskin pour tendre plutôt vers le style réfrigéré et alangui d’un Jonathan Franzen.
« Comment vivre le décès de ma mère ? », « Est-ce que je suis heureux au travail ? », « Comment évaluer l’évolution de la relation avec ma sœur ? », « Faut-il bien gagner sa vie pour être heureux ? » … La lecture de cet Aventuriste tient très vite plus de l’almanach du bien-être psychologique que d’un roman américain de qualité. Le cadre du livre, celui d’une entreprise sur le déclin où chaque employé joue sa survie à chaque meeting sert plutôt bien le propos. De fait, le héros, bien triste héros s’il en est, passe ses pages à s’interroger sur sa vie, sur son devenir, sur son passé. Mais ce qui pouvait donner lieu à l’exposition lascive de craintes existentielles façon Woody Allen donne très vite place à un ennui confondant où on nourrit vraiment le regret d’avoir la sensation d’être passé à côté de quelque chose. L’écriture nous offre quelques éclairs par-ci par-là mais le tout reste décevant, peut-être trop académique pour un auteur qui se lance à peine dans le grand bain des lettres.
Toujours dans le sillon du grand roman américain, J. Bradford Hipps délivre un texte qui avait tout pour réussir mais qui s’essouffle trop vite. Une littérature qui se regarde le nombril, une littérature qui s’interroge sans cesse, ça tourne en rond et on peine véritablement à trouver une quelconque issue à ce livre. On en vient à le refermer à son terme sans véritablement savoir quoi retenir, sans savoir où est-ce que nous sommes arrivés. Un véritable regret tant la promesse initiale avait de quoi plaire et donner lieu à un livre captivant, à une réflexion intéressante autour de l’accord entre vie professionnelle et vie personnelle dans une Amérique qui n’a jamais paru aussi éloignée du rêve américain.
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Littérature & culture (jeudi, 08 février 2018 09:08)
Un roman sympa mais pas transcendant.