C’est une nouvelle entrée dans le catalogue de la maison Joëlle Losfeld dont nous allons parler aujourd’hui, après le magnifique Des jours sans fin de Sebastian Barry qui avait véritablement emporté toute l’adhésion de Lettres it be. Cette fois, nous retrouvons avec joie la plume de Marc Villard, qui revient donc avec Les biffins¸ la suite directe de l’un de ses précédents ouvrages. Direction les rues de Paris au côté de ceux qui n’ont plus rien, si ce n’est une humanité foisonnante et sans fin que Marc Villard nous invite à (re)découvrir.
# La bande-annonce
Cécile est toujours en mouvement. Quand elle ne parcourt pas Paris en métro pour passer la soirée dans des bars ou pour rentrer chez elle de l'autre côté du périphérique, elle est en maraude nocturne avec le Samu social. Son travail est une réelle vocation. Elle s'occupe, souvent à leur corps défendant, d'une population de SDF, de démunis, de gens qui vivent en marge et s'aventure dans les recoins de Paris qui sont les leurs.
Cette vie entièrement dédiée aux déshérités finit par lui peser : pas de temps pour se consacrer à ses passions, pas de temps pour vivre une histoire d'amour. Alors elle décide de changer d'association et de s'occuper des «biffins», ces vendeurs en tout genre qui étalent leurs marchandises aux franges des puces de Saint-Ouen. Cette reconversion qui devait lui offrir une vie plus calme et plus sédentaire est pourtant obscurcie par le meurtre d'un SDF que Cécile ne parvient pas à ignorer, elle qui a pourtant souvent croisé la mort dans son travail…
# L’avis de Lettres it be
Les biffins est l’occasion de recroiser la route de Cécile, toujours secouriste au Samu social mais qui, cette fois, se trouve plongée en plein doute quant à son engagement au côté des plus démunis. Cécile est la fille de « Bird », un personnage fantasque que nous avions rencontré dans le livre du même nom sorti en 2008, comme le tome 1 de cette histoire dans laquelle s’était alors engouffré Marc Villard. Cécile partait à la recherche de ce père disparu, finalement retrouvé dans la torpeur de la nuit, elle aussi sans domicile fixe. Ce même « Bird » qui faisait, par son pseudonyme, écho à l’immense jazzman Charlie Parker qui partage ce surnom. Chez Marc Villard, la musique n’est jamais très loin. Effectivement.
Dans ce second volet, l’engagement de Cécile auprès des démunis de la Capitale pèse de plus en plus lourd sur la bonne tenue de sa vie personnelle. Après la quête paternelle entamée dans Bird, la voilà encore et toujours dans la rue, à aider, rassurer, apporter son soutien à tous ceux, trop nombreux, qui en font la demande. Comme autant de figures du père à sauver de l’oubli. Difficile donc de quitter cet engagement du jour au lendemain, alors autant tenter de trouver une issue de secours. C’est cette même issue qui va pousser Cécile vers d’autres personnages emblématiques de la rue : les biffins. Ces chiffonniers qui récupèrent et vendent de tout pour un rien. Une période de flottement dans la vie de Cécile et qui va vite prendre fin à la suite d’un incendie dramatique auquel elle va devoir faire face, de gré ou de force.
Impossible de ne pas voir transparaître dans ce nouveau livre de Marc Villard son appétence historique pour le genre du roman noir. Malgré le contexte, malgré l’aspect assumé du roman, Marc Villard instille une petite enquête autour d’un incendie ayant coûté la vie. En parallèle à cette plongée dans le Paris de l’ombre, le Paris que l’on ne veut plus voir, Villard rajoute de la noirceur, de la tension, de l’intrigue. Anecdotique s’il en est, cette petite once de polar ne fait pas vraiment de mal et ajoute une dimension supplémentaire pas inintéressante. Pour le reste, on prend un certain plaisir à découvrir une nouvelle facette de Paris, le Paris des démunis, des pauvres d’ailleurs et d’ici. On pense inévitablement au Paname Underground de Zarca qui offrait aussi un panorama original de la Capitale. Marc Villard adopte le ton juste, jamais larmoyant, souvent bien équilibré. Seulement, la fin du roman arrive peut-être un peu vite et voilà qu’il ne nous reste déjà plus qu’à attendre, peut-être, un troisième volet. Et plus si affinités.
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