Annoncé comme le petit Objet Littéraire Non Identifié de la rentrée du côté de Belfond (un doux merci en passant), Le Dernier Hyver de Fabrice Papillon ne manque pas de surprendre par bien des aspects. 624 pages au compteur où se mêlent philosophie antique, quête scientifique occulte, thriller haletant et science-fiction doucereuse, Le Dernier Hyver a tout pour être un joliet sac de nœuds, voire un bébé Frankenstein littéraire fruit de l’envie d’un savant un peu fou passé tout fraîchement à l’écriture de romans. En effet, Fabrice Papillon n’est autre qu’un journaliste scientifique qui, pour la première fois, passe à la fiction après des essais rédigés au côté d’éminents spécialistes comme Axel Kahn et consorts. Tout un programme.
Alors, le menu du jour ne vous donne pas vraiment confiance ? Eh bien tremblez de vous tromper fortement …
# La bande-annonce
Août 415 après J-C. : La ville d'Alexandrie s'assoupit dans une odeur âcre de chair brûlée. Hypatie, philosophe et mathématicienne d'exception, vient d'être massacrée dans la rue par des hommes en furie, et ses membres en lambeaux se consument dans un brasier avec l'ensemble de ses écrits.
Cet assassinat sauvage amorce un engrenage terrifiant qui, à travers les lieux et les époques, sème la mort sur son passage. Inéluctablement se relaient ceux qui, dans le sillage d'Hypatie, poursuivent son grand oeuvre et visent à accomplir son dessein.
Juillet 2018 : Marie, jeune biologiste, stagiaire à la police scientifique, se trouve confrontée à une succession de meurtres effroyables, aux côtés de Marc Brunier, homme étrange et commandant de police de la « crim » du Quai des Orfèvres. Peu à peu, l'étudiante découvre que sa propre vie entre en résonance avec ces meurtres.
Est-elle, malgré elle, un maillon de l'histoire amorcée à Alexandrie seize siècles auparavant ? Quel est ce secret transmis par Hypatie et au coeur duquel se retrouve Marie ? L'implacable destin peut-il être contrecarré ou « le dernier Hyver » mènera-t-il inéluctablement l'humanité à sa perte ?
# L’avis de Lettres it be
Comme dit plus haut, Le Dernier Hyver est donc le premier roman de Fabrice Papillon. On doit plutôt à ce journaliste scientifique passé par Europe 1 et France 5, maintenant directeur de la société de prod’ branchée sciences et médecine Scientifilms, des essais pointus rédigés souvent avec Axel Kahn, sur des thématiques souvent scientifiques, forcément. Ce thriller publié chez Belfond est donc sa toute première tentative du côté de la fiction. Une première tentative qui s’appuie sur une intrigue ficelée correctement et sur toute une somme d’intarissables connaissances.
Philosophie antique avec Platon en ligne de mire, large mention de la grande Hypatie d’Alexandrie, mise en lumière du rôle joué par d’immenses femmes et hommes à travers notre Histoire dans la promulgation du « complot-codex » évoqué dans le livre, théories scientifiques occultes, les premiers mythes eugénistes rencontrés dans l’Histoire, pratiques d’enquêtes scientifiques modernes, mobiles féministes bien dans l’ère du temps … C’est minutieux, renseigné, un vrai travail de fourmi érudite. En « à peine » 624 pages, Fabrice Papillon fait rentrer tout ça dans son livre, comme on comble difficilement une valise de retour de voyage prête à craquer. Et pourtant, même si le rendu final est massif à l’œil, même si l’objet livre vaut son pesant de cacahuètes, quel livre !
Impossible de perdre le fil de cette histoire. Malgré leur forte diversité, les éléments s’imbriquent les uns dans les autres comme rarement ailleurs, l’enquête avance en surface et en sous-sol de Paris et d’ailleurs alors que le lecteur est en apnée depuis la première page. L’écriture est fluide même si elle enregistre quelques longueurs çà et là mais qui ne gênent en rien le plaisir de lecture final. La comparaison avec Dan Brown serait peut-être hâtive, mais allez, peut-être pouvons-nous nous y risquer : Papillon, le Dan Brown de l’Hexagone ?
On aurait pu reprocher à cet ouvrage une conviction moralisatrice sur le rôle des femmes dans la société à travers l’Histoire. Et pourtant, là encore, magnifique coup de patte. Fabrice Papillon ouvre grand les portes des réactions les plus vives à l’encontre d’une morale féministe trop facile (« les femmes ont toujours été mal considérées dans l’Histoire, il est grand temps de changer tout ça blabla »), mais les referme aussitôt nous laissant pris au piège d’une complexité bien plus importante que ce simple résumé. Martyr et bourreau, la Femme au cœur du roman est bien plus source d’interrogations réelles que de conclusions hâtives. Brillant de bout en bout on vous dit !
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