Interview de Benedict Wells ("La fin de la solitude" chez Slatkine) : "La littérature ne connaît pas de limites"

Benedict Wells publie La fin de la solitude chez Slatkine
Benedict Wells publie La fin de la solitude chez Slatkine

Lettres it be vous livrait son coup de coeur pour le livre de Benedict Wells il y a encore quelques mois. A l'occasion, l'auteur de ce brillant roman a répondu à quelques-unes de nos questions. De quoi (re)découvrir cet auteur à surveiller de près.

 

Une première question peu originale mais terriblement intéressante : qui êtes-vous Benedict Wells ? Que faisiez-vous avant d’écrire ?

 

La réponse à cette question est assez simple : mon occupation avant était d’aller à l’école (rires). Directement après le baccalauréat, à dix-neuf ans, j’ai déménagé à Berlin et j’ai commencé à écrire. Je voulais me donner une vraie chance en tant qu’auteur, c’est pourquoi dans un premier temps je n’ai pas fait d’études, mais je travaillais comme serveur ou dans un cinéma la journée, et la nuit, j’écrivais. Je me suis dit que j’allais faire ça un, deux ans et je verrai après, dans le pire des cas je pouvais toujours faire des études. Bien sûr, ça n’a pas fonctionné pendant des années. Je recevais seulement des réponses négatives, et l’appartement dans lequel je vivais n’avait même pas de chauffage, la douche était dans la cuisine. Beaucoup d’amis se sont faits du souci que je ne fasse rien de plus concret, mais je le sentais : je voulais écrire sinon rien. Je savais également que je devais encore m’améliorer. Après quelques années j’ai eu la chance de trouver un agent qui a cru en moi. Après ça, tout a changé.

 


La fin de la solitude est votre sixième roman, le premier traduit en France. Qu’est-ce que cela vous fait d’être lu à travers différents pays ? Une pression supplémentaire ?

 

Une pression, pas du tout, c’est un plaisir énorme, et aussi un honneur. Contrairement à d’autres formes d’art, la littérature ne connaît pas de limites. Films, musiques ou peintures contemporaines : tout cela est universel et peut être compris partout dans le monde. Les livres cependant nécessitent une traduction. Je suis très heureux que mes histoires puissent désormais être lues par des amis à l’étranger et d’avoir une maison d’édition si bien comme Slatkine qui me soutient.

 

 

Passons maintenant à votre roman, La fin de la solitude. Très vite, la lecture de votre livre fait penser à L’Attrape-Cœurs de Salinger. Etait-ce une source d’inspiration pour vous ? L’un de vos livres favoris ?

 

Oui, c’est vraiment l’un de mes livres préférés, je l’ai lu au moins trois fois. Je dirais personnellement qu’on retrouve seulement peu d’éléments dans La fin de la solitude, tout du moins ce n’était pas un objectif conscient. Mais L’Attrape-Coeurs restera toujours un de mes romans préférés. J’admire Salinger dans sa manière de se retirer dans sa vie privée et ainsi de se mettre en arrière-plan par rapport à son livre.

 

 

Quels autres auteurs ont pu vous donner envie d’écrire ?

 

 

John Irving m’a beaucoup inspiré. A 15 ans j’ai lu Hotel New Hampshire après quoi je voulais écrire moi-même. Plus tard des auteurs comme Harry Mulisch, Michael Chabon et John Green se sont rajoutés à ma liste. Et je ne sais pas non plus si La fin de la solitude aurait pu exister sans les livres de Kazuo Ishiguro. Je n’ai jamais fait d’études, sur l’écriture non plus, à la place j’ai toujours essayé d’apprendre directement à partir des livres. Et Ishiguro, à travers son œuvre, m’a appris énormément sur l’écriture.

Quelle part de la vie de Benedict Wells peut-on retrouver dans celles de Jules, de Marty et de Liz ? Est-ce de la pure fiction ?

 

Difficile à dire. Pour ce livre j’ai pris comme base mes propres expériences sur la perte, la solitude et le changement et j’ai ensuite écrit quelque chose que je n’avais jamais vécu comme tel. Ce qui se trouve dans ces lignes est donc de la fiction, mais les sentiments à travers les lignes sont vrais.

 

 

Une question m’a intéressé tout au long de la lecture de votre livre : Alva est-elle un personnage réel dans votre roman ou plutôt une projection dans l’esprit de Jules comme la dernière chose qui le raccroche à l’espoir, qui le pousse à écrire à nouveau etc… ?

 

Elle existe vraiment, mais votre pensée me plaît beaucoup.

 

 

Votre roman nous permet de suivre avec grand intérêt l’évolution de plusieurs personnages, en premier lieu Jules , son frère et sa soeur. Vous êtes-vous parfois laissé dépasser par les chemins que vos personnages empruntaient ?

 

Bien sûr. Au début j’avais des directives dans les grandes lignes, mais j’essaye toujours de me laisser porter par mes personnages. A un moment donné, leur vie personnelle devient si forte que je n’ai plus inventé mais seulement écrit ce qu’il faisaient et ressentaient.

 

 

Durant votre jeunesse, vous avez connu trois internats différents. Etait-ce un passage obligé pour Jules, son frère et sa sœur dans votre roman, un moyen de raconter votre propre vécu à travers vos personnages ?

 

Oui, je me dois de le reconnaître. Mais je dois dire également que le temps passé à l’internat était un peu moins difficile que ce que je raconte.  Je suis arrivé à 6 ans dans un centre d’accueil, un de mes parents était malade.  Ça peut paraître difficile dans un premier temps, mais je savais pourquoi j’y étais et je ne connaissais rien d’autre, je n’avais donc rien à perdre. Les frères et sœurs dans le livre avaient déjà un vécu une vie protégée à la maison, qui a pris fin soudainement avec la mort des parents. Ils ont tout perdu, et c’est pourquoi dans cette nouvelle maison inconnue tout était plus difficile. Lors de l’écriture, j’ai pu imaginer les choses négatives que j’aurais pues vivre à l’internat. Par exemple ce sentiment, quand en tant qu’enfant, il faut revenir à l’internat après les vacances. Mais le temps passé à l’internat était, au fond, plus beau et beaucoup plus comme dans Looking for Alaska de John Green. Seulement ça n’aurait pas tenu avec mon histoire et mes personnages.

 

 

 

Une idée pour votre prochain livre ?

 

 

Dans ma vie je n’écrirai pas souvent un livre comme La fin de la solitude. J’y ai travaillé pendant sept ans, et je me sens comme si j’y avais mis tout ce que je possède. C’est pourquoi mon prochain roman sera quelque chose de totalement différent. Un roman classique d'initiation, dans le style de The Perks of Being a Wallflower, Breakfast Club ou encore Stand By Me. Ça se passera aux Etats-Unis, dans les années 80. Il s’agit de l’été qui nous marque, quand on avait 16 ans. Celui pendant lequel on était amoureux pour la première fois, celui où on nouait des amitiés, mais aussi où on vivait la mort pour la première fois et où on devenait adulte. L’été que l’on n’oublie jamais.


Questions bonus

 

 

Passons maintenant à des questions un peu plus légères pour en savoir plus sur Benedict Wells l'homme et Benedict Wells l'auteur :

 

- Le livre que vous aimez en secret ?

Il n’y en a pas. Quand j’aime un livre, alors fort et de tout mon cœur.

 

- Un livre dont vous ne comprenez pas le succès ?

Ce qui m’importe est plutôt l’inverse. Je ne comprends pas pourquoi certains livres ne sont pas des succès mondiaux. Un magnifique auteur comme Joey Goebel devrait être un auteur best-seller adapté plusieurs fois au cinéma en Amérique. Je ne peux que recommander son Torturez l’Artiste !

 

- L’auteur avec qui vous aimeriez discuter autour d’une bière ?

Un verre avec John Green et Joanne K. Rowling ne serait pas mal du tout. Et après un dernier verre avec Bob Dylan dans un bar du coin !

 

- Votre passion un peu honteuse ?

Je n’ai honte d’aucune passion, mais je dois reconnaître que je m’intéresse de manière presque  abusive à la musique, aux films au sport. Y compris un savoir encyclopédique sur le foot ou des groupes.

 

- Si vous n’aviez pas été écrivain, vous seriez ?

Je suis devenu auteur car je ne peux pas répondre à cette question.

 

- Le livre que vous offririez à votre pire ennemi ?

Stoner de John Williams. Un livre exceptionnel, et peut être que nous ne serons plus ennemis après.

 

- La première mesure du Président Wells ?

Faire compter les voix, il est impossible que l‘élection soit juste. Entre temps : encourager l’éducation de telle manière à ce que personne ne soit exclu dès le début.

 

- Barcelone ou Berlin ?

 

En automne et hiver Barcelone et au printemps et en été Berlin.

 

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