Lettres it be découvrait il y a quelques semaines le premier roman de Guillaume Para, Ta vie ou la mienne, publié chez Anne Carrière et dont la chronique est à découvrir ici. Nous en avons profité pour poser quelques questions au jeune auteur également journaliste et grand amoureux devant l'Eternel du ballon rond et de l'OM.
Bonjour et merci de prendre part à cette interview pour Lettres it be. Tout d’abord, une question terriblement basique mais indispensable : qui êtes-vous Guillaume Para ? Que faisiez-vous avant de vous lancer dans l’écriture de votre premier roman ?
Je suis un journaliste télé de 35 ans dont la carrière s’est principalement orientée vers la politique. J’adore ce métier mais l’écriture de fiction s’est récemment imposée à moi et l’espace de créativité qui lui est lié m’est devenu indispensable. Je me suis vraiment réveillé un matin avec le besoin d’écrire, d’exprimer des émotions, d’inventer des histoires. Même si c’est parfois difficile à conjuguer avec un job ou une vie de famille, c’est une chance fabuleuse de pouvoir s’échapper par les mots.
Vous publiez donc Ta vie ou la mienne chez Anne Carrière. Quelques mots pour présenter votre ouvrage ?
C’est avant tout une histoire d’amour qui commence à l’adolescence entre les deux personnages principaux, Hamed et Léa. A travers ce récit, j’ai voulu livrer une sorte de conte moderne sur les thèmes de la violence, de la prédestination et de la résilience.
Vous êtes journaliste de métier. Quelles sont les différences que vous avez pues rencontrer entre l’écriture d’un texte journalistique et l’écriture d’un roman ? Y’a-t-il une plus grande marge de manœuvre ou à l’inverse un manque de cadrage qui peut être préjudiciable ?
Il y a un vecteur commun bien-sûr : l’aspect technique de l’écriture. Comme l’écrivain, le journaliste recommence, efface, coupe, bonifie son texte jusqu’à ce que chaque mot, chaque virgule ait sa pertinence. Cela aide pour écrire un roman mais les deux disciplines n’ont rien à voir. L’écriture d’une fiction fait sauter tous les verrous de l’écrit et, personnellement, j’adore ça. Un auteur est libre. Ce champ des possibles peut paraître vertigineux mais j’y vois l’occasion d’exprimer ma sensibilité et ma sincérité. Ensuite, après le choix de l’histoire et des thématiques, un certain cadre s’instaure pour structurer le travail. C’est un élément assez sécurisant, bienvenu au moment de l’écriture, mais l’auteur instaure ses propres règles alors que le journalisme nous amène à respecter les siennes.
Dans ce livre, vous mettez en avant un triangle de personnages plutôt bien posés, chacun avec ses spécificités et ses traits de caractère. Comment s’est passée la construction de chaque personnage ? Vous êtes-vous inspiré de certaines de vos connaissances personnelles ?
J’ai l’impression que les écrivains s’inspirent toujours de leur vie, aussi loin qu’aille l’aspect fictionnel de leur texte. Donc oui, j’ai dû m’inspirer de mes connaissances pour construire ces personnages mais je n’ai absolument personne de précis en tête. Pour mon premier roman, je tenais à écrire une véritable fiction.
Une question un brin basique mais toujours intéressante : de quel personnage vous sentez-vous le plus proche ? Quel est, à l’inverse, celui qui vous a donné le plus de fil à retordre au moment de l’écriture ?
Je me sens proche de Léa, sûrement celle qui me ressemble le plus. J’ai aimé en dessiner la personnalité, cela s’est fait de façon fluide. Hamed a été le personnage le plus complexe à construire, justement car il ne me ressemble pas. Je n’ai pas vécu ses traumatismes, ma vie ne ressemble en rien à la sienne et pourtant c’est mon fil rouge. La beauté, l’émotion mais aussi la crédibilité et l’impératif d’éviter les clichés reposent énormément sur lui.
Pour offrir une toile de fond à votre roman, vous n’hésitez pas à parler de vos passions personnelles, avec en premier lieu, le football. Pouvez-vous nous raconter l’origine de cet amour pour le ballon rond et cette importance pour vous d’en faire un élément constituant de votre livre ?
Cette passion est un héritage familial. L’amour du foot coule dans mes veines. Dans Ta vie ou la mienne, j’ai voulu en faire une matière littéraire en insistant sur sa puissance symbolique. La France n’est pas un pays avec une vraie culture footballistique : écrire le football, raconter sa beauté, sa poésie n’est pas commun chez nous. Dans les pays de foot, en Europe, en Afrique ou en Amérique latine, ce sport est un art. Pour certains intellectuels italiens ou argentins, Maradona est un artiste ! En France, dire ça serait une hérésie… sauf à Marseille, seule véritable ville de football du pays. C’est notamment pour ça que je supporte l’OM. Ce club me fait chavirer de bonheur, déprimer, hurler. Ça prend des proportions parfois très inquiétantes !
Hamed est pauvre, basané et vient de banlieue. François est blanc, riche et habite les beaux quartiers. Que répondez-vous à cette critique qui peut vous être faite concernant le fait que vous présentiez des personnages et des situations plutôt convenues dans votre livre ?
Si l’on fait un résumé rapide du roman, on peut effectivement craindre certains clichés. L’exercice était périlleux, mais j’ai voulu prendre ce risque car notre société se compose réellement de situations souvent très binaires. Moi-même, par exemple, j’ai grandi dans un lieu où se côtoient richesse et pauvreté. Mon but était de partir de ce fait social - qui pourrait paraître simpliste pour certains mais pourtant bien réel - pour montrer toute la complexité qui en ressort. Si j’en crois les critiques et le retour des lecteurs, mon récit évite le piège du manichéisme creux et interroge, au contraire, sur notre société au-delà des stéréotypes. Je décris par exemple une violence différente selon les milieux sociaux, physique d’une part et psychologique de l’autre, mais dont l’intensité est équivalente.
Déjà une idée pour votre prochain livre ? Peut-on imaginer une suite à Ta vie ou la mienne ?
Je travaille déjà sur mon deuxième roman. Un récit écrit à la première personne dont l’idée m’est venue avant l’écriture de Ta vie ou la mienne. Pas de suite pour ce dernier… Il n’en appelle pas et il faut avancer !
Passons maintenant à des questions un peu plus légères pour en savoir plus sur Guillaume Para l’homme et Guillaume Para l’auteur :
Le livre à emporter sur une île un peu déserte ?
Yiddish Connection du journaliste et auteur américain Rich Cohen. C’est le livre que j’ai le plus lu. Il raconte l’histoire des gangsters juifs américains du début du XXème siècle à la fin des années 30. Les vies de ces truands sanguinaires constituent ma propre mythologie, mon Iliade, mon Odyssée personnelle.
Le film que vous pourriez regarder tous les jours ?
Je suis un passionné de cinéma mais j’aurais du mal à regarder mes chefs-d’œuvre préférés tous les jours. La Strada de Fellini ne se regarde pas n’importe quand. Mais comme je suis aussi fan d’un cinéma plus populaire, je dirais Un singe en hiver. Un roman de Blondin, Verneuil à la réalisation, des dialogues d’Audiard puis Gabin et Belmondo… J’aurais largement ma dose quotidienne de talents, de poésie, d’humour et d’émotions !
Le livre que vous aimez en secret ?
Voyage au bout de la nuit de Céline. Un chef-d’œuvre absolu mais je ne revendiquerais pas le fait de l’aimer et, même si c’est une évidence, j’ai du mal à m’avouer que Céline est un artiste majeur. C’est un dilemme intérieur trop complexe, une sorte de schizophrénie de la pensée. On peut être un artiste fantastique et un salaud bien-sûr mais un tel génie et une telle pourriture à la fois… J’ai du mal à le comprendre, à l’admettre.
L’auteur avec qui vous voudriez discuter autour d’une bière ?
Hemingway, mais je crois qu’il préférait le rhum !
L’auteur que vous n’auriez pas aimé être ?
Roberto Saviano, auteur de Gomorra, livre dans lequel il décrit l’univers de la mafia napolitaine. C’est un héros bien-sûr mais sa vie est aujourd’hui un enfer : il vit et vivra toujours dans des lieux tenus secrets, sous protection policière. Ni en tant que journaliste, ni en tant que romancier je n’aurais fait ce sacrifice ou eu ce courage.
Vous ne devez écouter plus qu’une seule musique. Laquelle ?
Une chanson : « Sparring Partner » de Paolo Conte, la BO de mon histoire d’amour.
Votre passion un peu honteuse ?
Ce n’est pas une « passion » mais j’adore le film Dirty Dancing. J’ai mis du temps à avouer à ma femme que je connaissais les dialogues par cœur…
Le livre que vous auriez aimé écrire ?
Portnoy et son complexe de Philip Roth.
Le livre que vous offririez à une inconnue ?
J’offrirais un roman de Modiano à une femme qui visite Paris. Modiano nous apprend à regarder cette ville fabuleuse de la meilleure des façons : en marchant au hasard, en la regardant longuement, en captant des détails, des atmosphères… Puis il se l’approprie pour en faire une chose intime, presque rêvée.
La première mesure du Président Para ?
Je supprime le Sénat qui nous coûte une fortune pour rien. En onze ans de journalisme politique, je n’ai toujours pas compris son intérêt.
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