Interview de Marc Villard (Les biffins chez Joëlle Losfeld) : "Je ne jette pas un cri d’alarme mais j’interviens comme un témoin"

Les biffins est le dernier livre de Marc Villard publié chez Joëlle Losfeld
Les biffins est le dernier livre de Marc Villard publié chez Joëlle Losfeld

 

Marc Villard est revenu sur son dernier roman Les biffins publié chez Joëlle Losfeld en répondant aux quelques questions de Lettres it be.

 

Bonjour et merci de prendre part à cette interview pour Lettres it be. Tout d’abord, une question terriblement basique mais indispensable : qui êtes-vous Marc Villard ? Que faisiez-vous avant de publier votre premier livre Le Mensonge – Chronique des années de crise en 1978 ?

 

Avant la publication de ma nouvelle Mensonges dans Chronique des années de crise, j’écrivais essentiellement de la poésie. Mon premier recueil, L’Amer, date de 1971. J’ai participé au démarrage de revues telles Zone et Stardust. A la fin des années 70, nous avons élaboré une revue, le Grand Huit, avec des copains passionnés par les rapports entretenus entre l’écriture et le rock.

 

 

 

Vous êtes un véritable touche-à-tout : tour à tour auteur de recueils de poésie, chroniqueur musical au Monde de la Musique ou pour Jazzman, auteur de scénarii pour le grand et le petit écran, auteur de polars, nouvelliste, scénariste BD … Pourquoi cette envie de toujours multiplier les domaines et les supports tout au long de votre carrière ?

 

Dans la mesure où mon moyen d’expression favori est l’écriture j’essaie de déplacer celle-ci dans des endroits divers mais nécessitant la présence de textes. Mon passé de graphiste et d’élève à l’école Estienne font que tout ce qui procède de l’image m’intéresse. C’est pour ça que j’ai multiplié les collaborations avec des producteurs d’images.

 


Vous revenez donc avec Les biffins publié chez Joëlle Losfeld. Ce livre est la suite de votre roman Bird, paru en 2008. Pourquoi une envie de prolonger cette histoire et de faire vivre encore un peu sous votre plume le personnage de Cécile ?

 

Une amie qui travaille régulièrement avec les biffins de la porte Montmartre m’a donné envie de m’intéresser à cette communauté. Comme leur façon de survivre croisait celle des sans–abris, j’ai imaginé lier les deux. L’idée de base est toujours de situer des intrigues noires dans des lieux souvent négligés par la littérature générale. Marin Ledun fait la même chose avec l’entreprise et ses dérapages.

 

 

 

Cette suite était-elle déjà prévue au moment de l’écriture de Bird il y a 10 ans maintenant ?

 

Non. J’ai démarré Bird en suivant de l’œil pendant des années un musicien SDF du métro qui jouait du sax sur la ligne Levallois-Gallieni. Je ne savais même pas que je le ferai mourir. C’est venu au fil de la plume, comme on dit, et la suite procède du même principe. Je n’ai pas de plan de carrière clairement établi.

 

 

 

Dans Les biffins, vous remettez les pieds dans le Paris de ceux que l’on ne voit plus, le Paris de la nuit au côté du Samu social et des associations qui œuvrent tous les jours pour aider ceux qui en ont le plus besoin. Pourquoi avoir voulu mettre en lumière cette dimension de nos sociétés contemporaines ?

 

J’ai donné une réponse à cette question un peu plus haut. Le fait que j’habite à Paris joue un rôle non négligeable dans ce choix d’univers. A Paris, nous sommes confrontés toute l’année à la détresse de ceux qui n’ont rien, à l’alcool, à la violence du quotidien et il est logique de faire intervenir ce monde des marges dans des livres « noirs ». Si je vivais dans un coin peinard à la campagne, mon approche serait certainement différente.

 

 

 

A ce titre, quel a été votre travail d’investigation en tant qu’auteur pour décrire du mieux possible la vie dans la rue ?

 

 

J’ai discuté avec des éducateurs de rue, un chauffeur du Samu et je me suis rendu à plusieurs reprises au carré des biffins de la Porte Montmartre. Cela étant, il ne faut pas oublier que je suis dans la fiction. Tout n’est pas forcément vrai dans mes livres mais les éléments inventés sont plausibles. Dans les Biffins, Lothaire est un personnage complètement inventé, une fiction pure.

Découvrez la chronique Lettres it be pour Les biffins de Marc Villard publié chez Joëlle Losfeld
Découvrez la chronique Lettres it be pour Les biffins de Marc Villard publié chez Joëlle Losfeld

A l’image du personnage de Cécile qui doute, hésite et remet un temps en cause son engagement pour les plus démunis, pensez-vous qu’il s’agisse là d’une réflexion propre à toute notre société où, finalement, l’aide à l’Autre n’est plus si prioritaire que par le passé ?

 

Je ne suis pas d’accord avec vous. Il existe beaucoup plus que par le passé d’organisations caritatives, d’associations d’aide aux personnes en détresse. La création du Samu social est récente également. C’est la multiplication des personnes en souffrance qui vous donne cette impression et l’afflux d’immigrants qui, eux, n’ont vraiment plus rien.

 

 

 

A l’image du dernier roman de Tom-Louis Teboul Vies déposées publié au Seuil, ou encore dans une certaine mesure Paname Underground de Zarca, comment pouvez-vous expliquer ce regain d’intérêt marqué par les auteurs de l’Hexagone pour les gens de la rue et la pauvreté sur nos trottoirs ? Un cri d’alarme ?

 

La marginalité est plus visible. Les situations décrites plus haut sont prises en charge par des photographes amateurs, des animateurs de réseaux sociaux. Du coup, la littérature est présente également. Elle ne change rien mais elle accompagne ceux qui dénoncent cette pauvreté institutionnalisée. Dans mon cas, je ne jette pas un cri d’alarme mais j’interviens comme un témoin qui dit des choses dans un espace plutôt voué à la distraction. Bien loin du thriller rentable.

 

 

Déjà une idée pour votre prochain livre ?

 

 

Mon prochain livre, déjà écrit, paraîtra chez Cohen&Cohen. Il s’agit d’une fiction noire autour du peintre américain Jackson Pollock.

 


Questions bonus

 

Passons maintenant à des questions un peu plus légères pour en savoir plus sur Marc Villard l’homme et Marc Villard l’auteur :

 

Le livre à emporter sur une île un peu déserte ?

Un recueil de poèmes d’Yves Martin.

 

Le film que vous pourriez regarder tous les jours ?

Baisers volés de Truffaut ou Le privé de Robert Altman.

 

Le livre que vous aimez en secret ?
La fille du train. Je suis le seul parmi mes amis à aimer ce livre.

 

L’auteur avec qui vous voudriez discuter autour d’une bière ?
Je discute souvent avec JB Pouy autour d’une bière.

 

L’auteur que vous n’auriez pas aimé être ?
Un auteur fasciste à succès.

 

Vous ne devez écouter plus qu’une seule musique. Laquelle ?
Du jazz West Coast.

 

Votre passion un peu honteuse ?


Le football, mais j’assume complètement. J’aime aussi jouer au ping-pong avec des potes.

 

Le livre que vous auriez aimé écrire ?
Kaddish d’Allen Ginsberg.

 

Le livre que vous offririez à une inconnue ?
Bandini de John Fante.

 

 

La première mesure du Président Villard ?
La semaine de 30 heures.

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