Quand un maître de conférences en droit prend la plume pour se hisser sur le territoire du roman, les craintes sont nombreuses. Va-t-on avoir droit à quelque chose de trop sérieux, de trop formel, pas assez imagé ? Oubliez toutes vos craintes : avec Ma vie avec Contumace, Jean-Pierre Brouillaud propose un roman, son cinquième, incroyable de poésie, d’originalité et de burlesque, où se croisent des parties de Scrabble endiablées, des surfaces d’appartement à foison, une histoire d’amour plutôt fleurie et tant d’autres improbables choses encore. Lettres it be est aussi allé vivre le temps de quelques pages avec ce poisson nommé Contumace et vous en dit un peu plus.
# La bande-annonce
Il a des conversations avec Contumace, son aimable poisson rouge, qui tourne dans un bocal à la vitesse précise, harmonieuse et rassurante, de dix-sept tours minute. Lui-même vit dans un petit deux pièces. Il est champion de scrabble, s'entraîne et joue chaque jour. Ce qui a un peu déteint sur son cerveau et son rapport aux mots. Il a des parents, respectueux, distants mais légèrement inquiets de la solitude dans laquelle il s'obstine.
Il les rassure en affirmant qu'il n'est pas seul puisqu'il vit avec Contumace. Tout se complique lorsque la Joconde, un matin, débarque dans son salon. Absurde, humour, légèreté. Comme dans Martin Martin et Les Petites Rébellions, J.-P. Brouillaud raconte l'épopée minuscule et surréaliste d'un héros d'appartement.
# L'avis de Lettres it be
Ma vie avec Contumace est l’occasion de retrouver la plume de Jean-Pierre Brouillaud. Un auteur qui, jusqu’à présent, s’est toujours amusé à se promener du côté de ces Messieurs Tout-le-monde à la vie pleinement inintéressante, et de ces petites passions inavouables de chacun. Que ce soit dans son premier roman, Jeu, set et match publié en 2009 déjà chez Buchet-Chastel où Brouillaud s’amusait à dépeindre le quotidien quasi-autobiographique d’un fan absolu du tennisman Guillermo Villas, jusque dans Les Petites Rébellions où l’on vivait la rébellion farouche d’un notaire plan-plan obligé de prendre le métro … sans ticket, Jean-Pierre Brouillaud est l’auteur du banalement incroyable. Et Ma vie avec Contumace n’échappe pas à la règle.
Un champion de Scrabble qui vit dans un petit appartement (« 9,73m² » pour la plus grande pièce) avec pour seule compagnie son poisson rouge, une vie bien réglée qui se compose essentiellement de ces parties infinies au club de Scrabble. Jusqu’au jour où La Joconde débarque par miracle dans le salon de notre antihéros en chaussons. Là encore, Jean-Pierre Brouillaud fait naître l’incroyable, l’impossible au cœur du parfaitement banal. Le tableau le plus célèbre du monde qui arrive dans le salon d’un « François Pignon », il fallait y penser. Et tout cela, en plus des autres péripéties, donne lieu à un roman enlevé, malin et captivant de bout en bout. L’écriture de l’auteur s’amuse de différentes répétitions, différentes tournures qui confèrent au roman une légèreté particulière, hilarante même par endroit.
C’est un plaisir inouï que de retrouver la fiction dans son plus simple appareil. A l’heure où la littérature d’alors s’enlise dans les récits biographiques, dans l’étalage des vécus et le retraçage des petites histoires, l’inventivité semblait avoir perdu beaucoup trop de terrain. Avec Ma vie avec Contumace, Jean-Pierre Brouillaud prend le contre-pied de toute cette tendance et délivre un roman pétillant, audacieux, qui ose sur le fond et sur la forme. Et ça fait du bien.
Mention spéciale et indispensable aux éditions Buchet-Chastel. Après le magnifique Bariloche d’Andrés Neuman qui figurait dans le top Lettres it be des 10 livres de l’année 2017, après la découverte façon nature writing de La fuite de Paul-Bernard Moracchini, force est de constater que la maison d’édition fondée en 1936 continue d’étoffer son catalogue avec d’excellents romans. Des positions éditoriales osées mais qui n’en demeurent pas moins couronnées de succès. Bravo !
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