Interview de Christian Blanchard (Iboga chez Belfond) : "Le roman noir possède, à mon sens, une dimension sociale"

Iboga est le premier roman de Christian Blanchard publié chez Belfond
Iboga est le premier roman de Christian Blanchard publié chez Belfond

Le 25 janvier en librairie, retrouvez Iboga, le dernier livre de Christian Blanchard publié chez Belfond. Lettres it be est allé discuter un peu avec cet auteur de roman noir adoubé par Karine Giébel et qui propose là un incroyable roman carcéral au côté d'un jeune condamné à mort de 17 ans.

 

Bonjour et merci de prendre part à cette interview pour Lettres it be. Tout d’abord, une question terriblement basique mais indispensable : qui êtes-vous Christian Blanchard ? Que faisiez-vous avant de vous lancer dans l’aventure de l’écriture ?

 

 

Comme beaucoup de personnes, mon parcours est atypique : 4 métiers différents dans l’Education Nationale. J’ai fini par tout arrêter en 2004. J’étais alors proviseur.

 

 

Vous vous êtes aussi lancé dans l’édition en créant et en développant Les éditions du Barbu pendant plusieurs années. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur l’origine de ce projet ?

 

 

 

En réalité, je n’y connaissais rien. J’avais écrit un premier livre. Sans l’avoir proposé à une maison d’édition, j’ai eu la prétention de m’en occuper moi-même. L’autoédition a une très mauvaise réputation (pas complètement usurpée d’ailleurs). J’ai donc voulu être un véritable éditeur en publiant d’autres auteurs et en prenant un diffuseur national… Sans les compétences suffisantes ni les finances pour faire face aux difficultés de ce métier aux multiples facettes, j’ai rendu mon tablier d’éditeur 6 ans plus tard et je me suis consacré exclusivement à l’écriture. Les éditions du Palémon ont proposé de m’éditer à ce moment-là. J’ai accepté avec plaisir.


Votre dernier roman, Iboga publié chez Belfond, est l’occasion de partir derrière les barreaux, au côté de Jefferson Petitbois, un jeune homme condamné à mort, en pleine France pré-Mitterrand. Pourquoi le choix de cette époque, de cette histoire, de ce cadre ?

 

 

J’ai un thème obsédant : l’enfermement, sous toutes ses formes. Une chambre d’hôpital est pour moi un lieu oppressant… Alors l’emprisonnement ? Rien à voir avec la claustrophobie. Jefferson Petitbois est seul dans une cellule de 9m² avec comme compagnons… lui-même et son passé.

 

Un autre sujet m’interpelle : le temps et son écoulement. Attendre le moment d’être guillotiné, se réjouir de voir sa peine commuée à la perpétuité et s’apercevoir que les secondes s’écoulent lentement, durant des années et des années doit être terrifiant. Quand on associe ces deux idées, on obtient un roman noir. La période autour de l’abolition de la peine de mort en France me semblait être le moment idéal pour aborder l’appréhension différente du temps.

 

Découvrez la chronique Lettres it be pour Iboga de Christian Blanchard chez Belfond
Découvrez la chronique Lettres it be pour Iboga de Christian Blanchard chez Belfond

C’est la première fois que vous publiez chez Belfond. Une pression supplémentaire ? Comment s’est passé le procédé de publication de votre livre ?

 

 

Pas de pression. Au contraire, un véritable enthousiasme. J’avais besoin d’un éditeur qui me fasse travailler, qui me fasse progresser. Je l’ai trouvé avec Belfond. À plusieurs reprises, j’avais rencontré sur des salons littéraires Céline Thoulouze, directrice éditoriale de Belfond français, par l’intermédiaire de Karine Giébel, auteure chez Belfond et amie depuis 2008. L’année passée je propose un manuscrit à Céline Thoulouze. Elle me le refuse mais ne ferme pas la porte. Au contraire, elle souhaite que je lui fournisse une trame, un début de roman… C’est ce que j’ai fait. « Iboga » est né comme ça.

Premier jet, puis allers-retours, corrections, épreuves… Échanges sur les éléments de couverture…

 

 

Le refus de la peine de mort, le racisme multi-visages et la violence dans les prisons… On croit entendre beaucoup de messages dans votre roman. Était-ce une volonté de votre part de faire passer toutes ces idées à travers la fiction ?

 

 

La réponse est dans la question. Je ne fais pas de politique dans le sens « politiciens » mais j’ai des convictions. Je ne cherche pas à faire des ouvrages engagés mais le roman noir possède, à mon sens, une dimension sociale et aborde des sujets de société. « Faire passer mes idées » peut-être pas mais m’exprimer sur ces sujets à travers une trame romanesque, assurément.

 

 

À la lecture de votre roman, on pense à beaucoup de livres et de films qui se déroulent dans un cadre similaire ou presque (12 hommes en colère de Sidney Lumet, La ligne verte de Stephen King ou encore Un Prophète de Jacques Audiard). Quelles ont été les œuvres, quels ont été les auteurs qui ont pu vous inspirer durant l’écriture de ce livre ?

 

 

Ce ne sont pas trop les films qui m’ont inspiré mais plutôt des lectures, des documentaires et des rencontres. Pour ne citer qu’un livre, impossible d’oublier pour moi Meurtre pour rédemption de Karine Giebel. Je me suis référé aussi à des lectures sur les prisons et sur les conditions de détention et j’ai échangé par courrier, durant plusieurs années, avec un détenu condamné à une lourde peine. J’ai moi-même rencontré plusieurs fois des détenus en prison pour parler littérature. Une riche expérience… avec une seule envie : sortir au plus vite de ce lieu.

 

Pouvez-vous nous dire quelques mots sur le titre de votre livre qui s’avère être un élément très important, quasi mystique (?), dans l’histoire que vous racontez ?

 

 

Au départ, le manuscrit avait un autre nom. Mais il ne satisfaisait personne. Moi y compris. C’est Céline Thoulouze qui a eu l’idée de ce titre. J’ai adhéré tout de suite. Une sacrée trouvaille. Il est suffisamment intrigant pour que le lecteur soit interpellé. Durant la lecture, on comprendra son origine. Je ne peux pas en dire plus…

 

 

Déjà une idée pour votre prochain ouvrage ?

 

 

En octobre, j’ai présenté les cinquante premières pages d’un nouveau travail. Et depuis une semaine, le manuscrit (premier jet) est chez Belfond…

 

Je vous donne juste une phrase qui, selon moi, peut symboliser le prochain ouvrage :

« J’avais sept ans… Il allait prendre ma place… Et je n’avais pas grand-chose à partager. Tu comprends ? Je n’ai pas manqué de courage… Au contraire, j’ai fait preuve de sang-froid »

Je pense que le titre est trouvé… secret de fabrication ! Désolé…

 


Questions bonus

 

 

Passons maintenant à des questions un peu plus légères pour en savoir plus sur Christian Blanchard l’homme et Christian Blanchard l’auteur :

 

- Le livre à emporter sur une île un peu déserte ?
Transgression, j’en prends deux : Meurtre pour rédemption de Karine Giébel (Fleuve noir/Belfond) et Seul le silence de R.J Ellory (Sonatine).

 

 

- Le film que vous pourriez regarder tous les jours ?
 Seven de David Fincher.

 

 

- Le livre que vous aimez en secret ?
Pas de secret dans le domaine… Et si j’en avais un, je ne vous le dirais pas puisque c’est un secret…

 

 

- L’auteur avec qui vous voudriez discuter autour d’une bière ?
Karine Giebel, c’est fait… Franck Thilliez, c’est fait aussi… R.J. Ellory, j’aurai pu mais je ne parle pas anglais et lui ne parle pas français… Alors si, il y en a un… mais qui n’a absolument rien à voir avec le roman noir, c’est Michel Serres, le philosophe.

 

 

- L’auteur que vous n’auriez pas aimé être ?
Je ne peux pas vous le dire. D’abord parce qu’il y en a plusieurs, ensuite parce que je ne les connais pas personnellement. Ce serait en fonction de ce que j’ai lu d’eux… ou tenté de lire… ou bien parce que leurs livres me sont tombés des mains… Désolé, pas de délation… Et puis, ils vendent plus que moi… On dirait que c’est de la jalousie…

 

 

- Écrire en écoutant une musique. Laquelle ?
Cela dépend des scènes à écrire. La musique est un stimulant. Donc, dans ma banque de données musicales, se trouvent du metal, du blues mais aussi des thèmes musicaux « zen »… Rarement de la musique classique. Une compil revient souvent en boucle : « Pulse » de Pink Floyd.

 

 

- Votre passion un peu honteuse ?
Bien trop nombreuses pour en donner une seule… Donc, joker !

 

 

- Le livre que vous auriez aimé écrire ?
Le livre sans nom.

 

 

- Le livre que vous offririez à un inconnu ?
Le prochain livre de Karine Giebel… que je n’ai pas lu non plus…

 

 

 

- La première mesure du Président Blanchard ?
Nommer comme premier ministre une femme issue de l’immigration.

 

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